Romanée Conti

Est-on jamais sûr, d’ailleurs, que l’on boit vraiment de la Romanée Conti ? C’est une question que je me pose depuis 1991. Cette année-là, Flammarion publia un beau livre sur le domaine. Il faisait partie d’une collection sur les vins d’exception (Château Yquem, Château Margaux… ) produite par le département Art de vivre, lequel était situé de l’autre côté de la rue Racine, juste en face du siège de la maison, au 26, où j’avais mon bureau.

L’essentiel du travail sur ces ouvrages était d’ordre photographique. Le terroir, les vignes, le domaine, les grappes, les chais, les fûts, les bouteilles… il fallait des prises de vue originales et impeccables. Pour les bouteilles, cela devait se passer à Paris. À cet effet, une caisse de six de ces précieux flacons fut expédiée rue Racine et déposée par un livreur dans le hall du 26. Mais le temps d’en informer l’éditrice du projet, qu’elle termine une réunion et qu’elle traverse la rue pour les mettre en lieu sûr, le colis avait disparu.

L’éditrice en question monte en trombe à mon bureau. Horreur et panique. Il y en avait pour plusieurs dizaines de milliers de francs. Le retard pris dans la réalisation du livre allait compromettre sa sortie. Et comment informer M. Auber de Villaine que nous avions été négligents du trésor qu’il nous avait confiés ?

Je descends dans le hall, je mène une rapide enquête, j’interroge les personnes susceptibles d’avoir vu quelque chose, mais pas mal de de monde était entré et sorti de l’immeuble, le responsable de l’accueil s’était absenté quelques instants pour aller aux toilettes, bref l’énigme resta entière (il faut dire que je n’ai rien d’un fin limier). Un vol, selon toute apparence, soit par quelqu’un qui était au courant de la livraison, soit par un visiteur opportuniste qui voyant l’étiquette sur la caisse n’avait pas résisté à la tentation.

— Allo ? Hmmm…. Bonjour, je suis le directeur général de Flammarion. Je suis extrêmement ennuyé, mais je dois vous informer que la caisse de Romanée Conti que vous nous avez envoyée pour des photos a disparu. — Ah… Eh bien nous allons vous en envoyer une autre. — Mais… c’est tout ? — Rassurez-vous, cher monsieur, nous n’expédions pas comme ça la Romanée Conti par caisses de six. Les bouteilles étaient factices et remplies d’un vin plus ordinaire. Pour des photos, vous conviendrez avec moi que c’est l’œil qui compte, pas le goût.

 

NB, pour les amateurs de chansons : voleur de Romanée Conti, faucheur de Bague à Jules : même combat, même blague.

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