L’oisiveté du sage

Dans le prolongement de mes pensées d’hier sur le temps soi-disant perdu, je livre cette réflexion de La Bruyère : « Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi et à ne rien faire. Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom ; et que méditer, parler, lire et être tranquille s’appelât travailler*. »

Moi, il y a longtemps que je me sens la fermeté et l’étendue d’esprit requises pour l’« oisiveté du sage ». Je n’y ai aucun mérite, et n’en tire aucune vanité particulière. J’ai des dispositions naturelles à ne rien faire, et je suis en cela l’exemple d’illustres maîtres nommés Montaigne, La Fontaine, Wang Wei et Ryokan. Et je n’appellerais pas cela travailler.

D’ailleurs, (j’y pense en évoquant Wang Wei et Ryokan), le mot qui manque à La Bruyère est sans doute à rechercher du côté du zen : il est de l’ordre du détachement. Ecoutez Ryokan :

Que laisserai-je derrière moi ?
Les fleurs du printemps,
le coucou dans les collines,
et les feuilles de l’automne.

Tout est dit.

* Les caractères, chap II, Du mérite personnel

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