Je repensais à un amour d’adolescence. Une fille inaccessible par excès de sagesse. Je me disais que la vie avait dû la délurer un peu. J’ai commencé à l’écrire mais la machine a tiqué sur le verbe délurer. Souligné en rouge, comme un barbarisme. J’ai consulté le dictionnaire : déluré n’y existe en effet que sous forme d’adjectif. C’est dommage.
Si toutefois on se réfère à l’étymologie, il y a bien un verbe à l’origine : déleurrer, c’est-à-dire « détromper », d’où déleurré, proprement « qui ne se laisse plus prendre au leurre », et par suite déluré dans le sens d’affranchi, de dégourdi, voire d’effronté. Si bien que délurer ne me paraît pas illégitime.
Chateaubriand dit qu’ « un barbarisme heureux reste dans une langue sans la défigurer ». Délurer non seulement ne défigure pas la langue française, mais il la rajeunit. Je ne sais si je m’en servirai beaucoup, mais je vais le garder dans mon vocabulaire. Comme nonchaloir ou dévouloir, ces mots merveilleux mais morts dont j’aimerais tant qu’ils ressuscitent.
… ou “déparler” que j’ai entendu prononcer une fois, dans le Vaucluse, au sens de “dire des choses incohérentes”, c’est-à-dire être fou, alors que, selon son sens premier, il ne s’agit que de garder le silence après avoir tenu une conversation (mais, en vieux français : dire du mal ou se dédire). Déparler, un verbe qui n’est, hélas, plus guère utilisé et je le regrette.
Mon dictionnaire en ligne, Antidote – excellent, d’ailleurs – donne cette définition;
Rendre (quelqu’un) vif et hardi. De déluré ; d’une langue d’oïl délurer, ‘détromper’…
Tu enrichis la langue. Continue de la sorte! ❤️