Flagrant délit

Stendhal raconte dans De l’amour l’anecdote d’une femme qui, « surprise en flagrant délit par son amant, lui nie le fait hardiment, et, comme l’autre se récrie : — Ah ! Je vois bien, lui dit-elle, que vous ne m’aimez plus ; vous croyez plus ce que vous voyez que ce que je vous dis. »

Elle est drôle, cette phrase, et très intéressante. On peut y voir simplement de la mauvaise foi. Mais on peut y voir aussi une forme de pensée magique, par laquelle il suffit d’affirmer une chose pour la faire exister. Ici, contre l’évidence, la femme affirme son innocence. Elle mise sur la valeur performative de sa parole, capable d’abolir ce que disent les faits, et d’instaurer une réalité autre. Y croit-elle ? C’est bien possible. « Au commencement était le verbe », dit Saint Jean. Le langage est créateur. La création procède du langage. Pourquoi pas du mien ?

Mais il y a plus. L’affectif s’en mêle. Il fait pression. « J’ai dit ça, donc c’est vrai, et si tu ne me crois pas, c’est que tu ne m’aimes plus. » Voilà ce que mon père aurait appelé un bel exemple de « logique féminine ». Mais je ne m’aventurerai pas sur ce terrain devenu mouvant. Beaucoup de personnes, convaincues d’une faute ou d’une mauvaise action, nient, puis contre-attaquent en se plaçant dans le rôle de la victime. « Non, Monsieur le juge, je ne l’ai pas agressée, je lui ai juste mis la main aux fesses, c’est elle qui n’arrêtait pas de m’aguicher ». La logique masculine a aussi ses travers.

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