Vieillir en eaux jeunes

Si la vie est une circumnavigation, je repense à Moitessier. Lui, il avait choisi de bifurquer plutôt que d’aller sagement vers sa fin. Il était reparti vers le cap de Bonne Espérance, en refusant de boucler la boucle. Ça ne l’avait pas empêché de vieillir (« Pour prolonger la vie ? Vieillir ! Il n’y a pas d’autre méthode » disait Alexandre Vialatte) ni le temps de passer, mais au moins avait-il vieilli en eaux jeunes, et montré que ce n’est pas parce que l’éternité est impossible qu’il ne fallait pas en prendre le chemin.

Il ne cherchait pas l’éternité d’ailleurs, juste la vie, c’est-à-dire le présent, être bien dans sa peau et en paix avec lui-même, jour après jour. « Parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme », tels avaient été ses mots.

Et moi je sens que j’approche de ce point potentiel de bifurcation. Ou bien je maintiendrai le cap évident, celui de la route commune, où je goûterai probablement, dans un premier temps, les délices de la retraite et des alizés, ou bien je repartirai vers le sud, filer à nouveau vers des mers agitées et actives, tentant peut-être de revenir sur scène et d’y tenir un moment, même seul et sans succès, ou cherchant quelque façon neuve de m’ouvrir aux autres, s’il est question ici de sauver son âme.

S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires