Sur les livres que je ne lis pas

Je pense à tous les grands livres que je n’ai pas lus, et curieusement, l’âge venant, ce n’est pas une urgence à les lire que j’éprouve, plutôt une sorte de détachement. Il m’apparaît que la boulimie de culture n’est pas d’une nature au fond très différente de la boulimie de possession. Je n’emporterai pas plus mes lectures dans la tombe que mes avoirs.

Je choisis désormais mes livres avec parcimonie, sans méthode, et je vais moins vers eux qu’ils ne viennent à moi. J’en achète d’ailleurs plus que je n’en lis. Au hasard d’une critique ou d’une conversation, l’un d’eux me fait signe et me plaît. Et puis quand nous sommes en présence l’un de l’autre, souvent le désir s’est enfui. Cela ne tient quelquefois à rien de plus qu’à un style qui ne me convainc pas, ou à une mauvaise traduction, ou à certaine police de caractères. Je n’ai plus envie de m’y intéresser, et le voilà qui rejoint ceux qui s’entassent sur mes étagères.

Je l’y regarde encore de temps en temps, de loin, et j’ai l’impression qu’il me regarde aussi en retour, partageant avec moi le sentiment diffus d’une rencontre manquée et l’embarras que nous soyons passés à côté l’un de l’autre, quand nous avions cru que nous nous aimerions.

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Musel

Je me reconnais tout à fait mais n ai pas ce style si percutant pour le traduire

Bruno SERIGNAT

As-tu essayé une liseuse ? Ça a été une véritable révélation pour moi (prix avantageux, polices de caractère personnalisées, téléchargement immédiat d’une suite ou d’une envie, multiples avis d’autres lecteurs, des millions de titres classés par catégories, traduction “au doigt” si besoin – je lis beaucoup en anglais – et, surtout, toute sa bibliothèque, parfaitement rangée, toujours avec soi). Je ne regarde plus jamais les centaines de livres de mes étagères…