Les malappris

Il y a trois ans, j’avais publié sur ce blog une esquisse de chanson intitulée Pas vus pas pris. C’était en réalité la troisième ou quatrième version d’une chanson commencée deux ans auparavant. J’en étais moyennement content, et les choses, comme pour tant d’autres chansons, auraient pu en rester là, mais certains titres travaillent, comme la charpente d’une maison.

Aujourd’hui, j’en suis arrivé à une nouvelle mouture. Changement de point de vue : j’assume mon statut de senior et m’adresse à la jeunesse. Changement de mode : toute la chanson passe au conditionnel. Changement de titre : Pas vus pas pris devient Les malappris, qu’il me plaît d’imaginer exemplaires. Et last but not least, changement de musique.

Rendez-vous dans quelque temps pour voir si tout cela travaille encore.

 

Enfants, voyez-vous l’espace
Qui pourrait grand s’ouvrir
A vos beaux vols de rapaces
A vos chants d’oiseaux-lyres
Si vous glissant dans les failles
De ce monde terni
Vous en dissipiez la grisaille
Pas vus pas pris ?

Si découpant les frontières
Selon les pointillés
Et dansant sur les barrières
Les yeux écarquillés
Vous prétendiez être libres
Détachés aériens
Et tenir juste en équilibre
Entre le beau et rien ?

Alors jetant vos cadavres
Dans les placards du vent
Vous quitteriez tout ce qui navre
Ou irrite les gens
Elles ne vaudraient pas bien cher
Vos vies de malappris
Et pourtant seraient exemplaires
Pas vus pas pris

Vous franchiriez l’existence
Furtifs et oublieux
En quête d’indifférence
A vous-mêmes et à Dieu
Pas de destin qui appelle
Ni d’œuvre à accomplir
La vie serait si simple et belle
Et à saisir

Vous battriez la campagne
En long et en douceur
Vous enroulant comme un pagne
Aux hanches du bonheur
Puis bifurquant au désert
Avec des cris de joie
Mettriez l’or dans la poussière
A chacun de vos pas

Dépouillés de vos cadavres
Jetés aux quatre vents
Dessaisis de tout ce qui navre
Et afflige les gens
Elles ne vaudraient pas bien cher
Vos vies de malappris
Et pourtant seraient exemplaires
Pas vus pas pris

À l’écart et à l’écoute
Enfants si vous osiez
Délaisser les fausses routes
Et avancer nus pieds
Vers le chatoiement des marges
L’ombre le frais l’esprit
Là où l’on peut respirer large
Pas vus pas pris

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