Le plus vivant d’entre nous

Je n’avais pas lu le discours que François Sureau a prononcé l’an dernier lors de sa réception à l’Académie française. C’est fait. Dès sa seconde phrase, il a évoqué l’ombre de La Fontaine, dans le fauteuil duquel il siège désormais, et qui « reste à jamais le plus vivant d’entre nous, lui qui dormait vingt heures sur vingt-quatre et ne se réveillait que pour la poésie et pour l’amour ».

Voici donc désormais La Fontaine donné en exemple d’une vie heureuse et oisive, presque désœuvrée. C’est une réputation qu’on lui fait, mais il est vrai que lui-même avait confié, dans son épitaphe, avoir fait deux parts de son temps, et passer « l’une à dormir et l’autre à ne rien faire », ce qui n’incite pas à voir en lui un hyperactif. Pour ma part, j’aime l’idée qu’en dormant autant, La Fontaine soit devenu « le plus vivant d’entre nous ». Je ne dis pas : malgré le fait qu’il dorme. Je dis bien : en dormant. Car qu’offrent aux éveillés les affaires du monde ? Des peines, des travaux, des souffrances, des soucis, des angoisses, des regrets. Evacuer par le sommeil la part que ces choses mortifères prennent d’ordinaire dans notre emploi du temps, et ne plus se consacrer qu’à son art et qu’à l’amour, voilà sans doute la suprême sagesse.

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