— Pourquoi n’écris-tu pas un livre ?
Une amie me pose la question. J’hésite un instant sur la réponse.
— Tu n’en as pas envie ?
— Si, bien sûr, parfois, lui dis-je, mais pour dire quoi, et à qui ?
Et je m’entends ajouter cette remarque que je n’avais jamais formulée à voix haute :
— Tu sais, quand je regarde ma bibliothèque, je la vois comme un grand babil. Chaque livre appelle : « lis-moi, ou relis-moi, écoute ce que j’ai à dire ». Ça caquète, ça gazouille, ça bavarde, c’est toute une volière qui piaille muettement. Qu’ajouterais-je à tout cela qu’un peu de bruit ?
Puis je lui ai raconté Rumi et l’oiseau, Omar Khayyam et son caravansérail. « Je suis venu, rien ne manquait au monde. Je partirai, rien ne lui manquera. » Et j’ai pensé qu’il en irait de même avec ma bibliothèque : le livre que je n’aurai pas écrit ne lui manquera pas.
Mais pourquoi pas un livre de pure fiction ? Pour le simple plaisir de l’écrire. Libre à toi, ensuite, de le faire lire ou de le détruire si tu n’en es pas satisfait…
Je comprends tes scrupules ! Autant s’abreuver des chefs d’oeuvre qui peuplent nos bibliothèques et nous transportent. Et cependant, il y a certainement quelque part dans ton panthéon imaginaire un livre que toi seul aurais pu écrire. Un oeuvre “qui te ressemble”, mais qui soit comme l’écrit Paul Valéry “plus nécessaire que l’être dont elle est issue”.
Que tu es modeste…et lucide en même temps!