Heure d’hiver

​Si l’on m’en croyait, et me basant sur mes quarante et une années d’expérience, depuis 1976, date du premier passage à l’heure d’hiver, toutes les journées auraient vingt-cinq heures. Ce passage m’est à chaque fois délicieux. Les soixante minutes supplémentaires qui nous sont officiellement octroyées sont de la liberté pure, comme une bulle hors du temps, je veux dire en dehors de nos emplois du temps habituels, échappant aux obligations, se soustrayant à la routine, et dont on peut faire ce qu’on veut, — le plus judicieux étant, à mon avis, de n’en faire rien.

La journée qui précède, et qui est par convention un samedi, est en général agréable. On sait qu’on peut la faire durer, veiller tard, prendre son temps. Le lendemain, nos organismes, toujours calés sur l’horaire des mois d’été, ont la satisfaction de découvrir qu’ils peuvent dormir une heure de plus. (C’est l’occasion pour chacun de nous de nous initier au plaisir de Montaigne, qui, ne voulant pas jouir du sommeil sans le connaître, se faisait réveiller avant l’heure pour le simple bonheur de se rendormir.)

Hélas, les douceurs de cette heure surnuméraire ne se prolongent pas au-delà de l’après-midi du dimanche, lequel bascule très vite dans la nuit et nous plonge d’un coup dans l’hiver, si bien que ce qu’on a à nouveau de mieux à faire est de retrouver son lit sans se soucier de l’horaire, et de se laisser aller, sous sa couette, au repos, ou à ce qu’on voudra.

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