Harvey Weinstein, ou le déchargement des vases

​Face au récent déferlement de révélations sur d’innombrables cas de harcèlement sexuel, je me suis (comme beaucoup d’hommes j’imagine) interrogé rétrospectivement sur moi-même. Ai-je eu, au cours de ma carrière, des comportements déplacés à l’égard des femmes ? Pour autant que je me souvienne, la réponse est non. Cela ne veut certes pas dire que je n’ai pas connu d’aventures dans ce cadre-là, mais c’était principalement à mes débuts, quand j’étais jeune et sans réel pouvoir, et surtout, je crois n’avoir jamais forcé personne. Le plaisir pour moi résidait beaucoup dans la séduction (« avec les filles ce qui me motivait, c’est la conquête / voir au fond d’un regard monter les signes d’abandon* »). Le reste venait en plus, comme un accomplissement, pas comme une fin en soi. Et le consentement m’est toujours apparu comme une condition préalable et nécessaire aux jeux du sexe et au frottement des peaux.

J’ai longtemps travaillé dans des univers professionnels largement féminisés. Je m’y suis toujours senti à l’aise. J’ai aimé la compagnie des femmes, j’étais sensible à leur charme. J’ai longtemps pensé que la France était un pays béni, où l’égalité entre les sexes n’avait pas aboli leurs différences, et où femmes et hommes pouvaient travailler ensemble sans aseptiser leur relation de toute galanterie.

A lire les témoignages qui s’accumulent ces temps-ci, il apparait que cette société idéale, où les femmes n’ont pas peur et les hommes ne manquent pas de respect, est assez loin de la réalité. A vrai dire, je le savais. J’ai connu dans mon parcours deux ou trois harceleurs. L’un d’eux, je crois, a fini par avoir des ennuis. C’était avant l’affaire Weinstein. Tant mieux.

Je ne sais quel sort il faut réserver à tous ces prédateurs. Je me suis tourné une fois de plus vers mon cher Montaigne pour y réfléchir, et j’ai vu qu’il avait écrit dans ses Essais, livre 3, que l’amour (masculin) n’est souvent que « la soif de puissance sur un objet désiré », et que « le plaisir de décharger ses vases devient vicieux, ou s’il est immodéré, ou s’il manque de discernement ». Cette dernière phrase devrait être inscrite au fronton de toutes les cellules où l’on aura soin d’envoyer méditer quelque temps les Harvey Weinstein de tous acabits.

*Arbon, Les Marronniers

 

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Bruno Sérignat

Il va falloir raison garder ! Le petit monde de l’intelligentsia parisienne qui fait l’actualité se déchire sur le fait d’honorer ou non Roman Polansky et/ou son œuvre alors que nos banlieues sont chaque jour un peu plus transformées en zones de non-droit par l’Islam. Cela rappelle la fin de l’empire Byzantin et ses débats sans fin sur le sexe des anges tandis que l’ennemi campait sous les murs de la ville…