Dix ans de blog. 2014 : glissez, mortels, n’appuyez pas

« Glissez, mortels, n’appuyez pas » est une expression que l’on attribue parfois, à tort, à La Fontaine ou à Voltaire, et que l’on doit en réalité à un certain Pierre-Charles Roy. C’est à peu près la seule phrase que la postérité ait retenu de cet auteur du XVIIIè siècle, pourtant prolixe, qui s’était spécialisé dans les livrets de « tragédies lyriques », un genre tombé en désuétude dont il paraît qu’il était cousin de l’opéra.

Le mot parle à l’évidence pour une traversée légère de la vie, et semble se suffire à lui-même. Mais il est en fait extrait d’un quatrain, qui figurait au bas d’un tableau représentant des patineurs :

Sur un mince cristal l’hiver conduit leurs pas
Le précipice est sous la glace
Telle est de nos plaisirs la légère surface
Glissez, mortels, n’appuyez pas

Le duc de Luynes, apprenant la mort de Roy, écrit dans ses Mémoires, en date du 10 février 1754 : « Il serait à désirer qu’il ne se fût pas laissé aller à la facilité qu’il avait de faire des vers », ce qui est un jugement sévère si l’on s’en tient à ces seuls patineurs. Mais Luynes avait sans doute eu l’occasion d’entendre le reste de sa production.

 

En 2014, un autre article avait été extrêmement lu et commenté. Il s’agit des enfants d’Hitler, auquel il faut ajouter Pour que les choses soient claires, la mise au point qui l’avait suivi. L’actualité mettait crûment en lumière, une nouvelle fois, la banalité du mal. (Je laisse mon lecteur suivre les liens pour s’y reporter.)

« Rien de ce qui est inhumain ne nous est étranger », disait André Glucksmann. Le précipice est sous la glace, Roy avait bien raison.

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Henri Maries

C’est cette citation qui m’a découvrir le blog “Mais qui est Arbon”. J’étais a la recherche de son auteur. Je voulais savoir d’ou ma mère, qui l’utilisait quelquefois en présence d’interlocuteurs qui prenaient le risque de la briser, la glace bien sur (sinon un pluriel aurait fait l’affaire aussi bien), l’avait sortie…