Dix ans de blog. 2015 : le chien et les chacals

L’article le plus consulté de 2015 est aussi le plus consulté de tout ce blog. Quand il a été écrit, nous étions en pleine crise des migrants, après Charlie, avant le Bataclan, au pic du conflit intime qui écartelait l’Europe, et chacun de ses habitants, entre peur et mauvaise conscience. Sur le fond du sujet, j’avais déjà donné mon sentiment l’année précédente (voir : Tartares : figé comme un con), mais là, on avait convoqué mon camarade La Fontaine, dont on avait fait circuler ce qu’on pourrait appeler une « fake fable », Le chien et les chacals, et cela m’avait agacé.

 

Circule en ce moment sur la toile une mauvaise fable attribuée à La Fontaine et soi-disant datée de 1671, intitulée Le chien et les chacals. En deux mots, un chien nigaud laisse entrer chez lui un chacal et toute sa famille, et se retrouve bientôt dépouillé de tout et chassé de sa maison. On comprend sans difficulté l’allusion : ce texte doit se lire à la lumière de la situation actuelle de l’Europe face aux migrants.

chacals

Naturellement cette fable est un faux. Il n’y a aucun chacal dans le bestiaire de La Fontaine. La philosophie du bonhomme le portait plutôt à dire « Il se faut entraider, c’est la loi de nature » (l’Âne et le Chien) ou « En ce monde il se faut l’un l’autre secourir » (le Cheval et l’Âne). Quant à l’écriture de ce médiocre pastiche, elle enfreint toutes les règles de la versification en cours au XVIIè siècle.

Je ne sais ce qui me révolte le plus dans cette affaire : le fond xénophobe et haineux de l’histoire, l’idée qu’on se serve de La Fontaine pour donner un air de prudente sagesse à un comportement lamentable, ou le fait que j’ai des amis qui propagent ces méchants propos en étant bien incapables de s’apercevoir qu’il s’agit d’un faux grossier.

Les trois, je le crains. Pour les amis, cela m’attriste. « D’un certain sot la remontrance vaine » : voilà le vers authentique de La Fontaine qui m’est venu en pensant à celui qui a envoyé ou simplement transféré cette contrefaçon.

 

La page de cet article est encore vue aujourd’hui plusieurs dizaines de fois par semaine. Je suppose que les lecteurs y arrivent en pensant y trouver la fausse fable objet du délit. Qu’ils la cherchent ailleurs. C’est délibérément que je n’avais pas voulu la citer.

Au demeurant, comme l’ont fait remarquer certains de mes commentateurs, une vraie fable existe, La lice et sa compagne, qui dit à peu près la même chose, à ceci près qu’elle ne fait pas du mal un attribut de l’étranger.

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Ciceli

Merci d’avoir confirmé ma position (pas mes doutes, je n’en avais aucun sur l’auteur à qui on attribuait ces propos) quant à cette ….. affabulation lamentable !
Et au premier chef, à mon sens, condamnable.
Merci enfin d’avoir redressé la barre, et aussi bien explicité votre certitude, et votre indignation, que je partage.

Bruno Sérignat

Fausse fable, peut-être, mais réelle islamisation du pays !

Ciceli

N’importe quoi Bruno, je vous plains.