Dix ans de blog. 2008 : Papa et Tonton vont au One Two Two

Dix ans de blog, c’est l’occasion d’une rétrospective. Je me suis plongé dans les statistiques en me demandant, pour chaque année, quel article avait été le plus lu. Il en ressort une liste de dix titres, que je m’en vais publier à nouveau dans les jours qui viennent.

C’est toutefois une sélection biaisée dans la mesure où elle ne reflète pas uniquement l’intérêt suscité par l’article en lui-même. Des requêtes effectuées sur certains mots-clés comme « chatte » ou « zob » vont ainsi, à la marge, aboutir sur mon blog, au grand désarroi, j’imagine, de la plupart des personnes qui les ont lancées sans s’attendre du tout à tomber sur ma prose.

L’article vedette de l’année 2008 illustre sans doute cette ambiguïté. Il s’intitule Papa et Tonton vont au One Two Two. Le One Two Two est un célèbre bordel d’avant-guerre, et suscite par conséquent la curiosité de certains amateurs.

Le One Two Two était dans les années trente la maison close la plus luxueuse de Paris. Mon père m’a raconté comment il y était entré un jour, en compagnie de son petit frère.

A l’époque, ils n’avaient pas le téléphone chez eux. Or leur mère eut un jour à faire une commission urgente à son mari, leur père, qui travaillait aux Grands Magasins du Printemps, rue de Provence. Comme ils étaient scolarisés au lycée Condorcet, non loin de là, rue du Havre, elle les charge d’aller lui porter un petit mot, sur lequel elle griffonne le numéro de la rue.

Ils s’y rendent d’un pas décidé, se trouvent devant la porte d’un immeuble cossu mais banal, sonnent. Une dame vient leur ouvrir, qui manifeste une certaine surprise.
— Que venez-vous faire, les enfants ?
— Nous cherchons Papa. Nous avons un message pour lui.
La dame est dubitative.
— Vous êtes sûrs qu’il est ici ?
— Oui, Maman nous l’a dit.
Le doute de la dame cède la place à un léger embarras.
— C’est certainement une erreur.
— Non, il faut qu’on le voie.
— Mais comment s’appelle-t-il votre Papa ?
— Pierre Arbon.
Soulagement de la dame.
— Je ne connais personne de ce nom-là.
— Pourtant Maman nous a dit qu’il travaille ici.
— Est-ce que vous connaissez le nom de son travail, à votre Papa ?
— Oui, il est chef acheteur au Printemps.
La dame sourit, rouvre la porte. Et leur dit :
— C’est là, un peu plus loin, au 112. Ici on est au 122.

122… D’où le nom One Two Two. C’était en 1935. Mon père et mon oncle avaient respectivement 14 et 11 ans.

(L’anecdote est charmante, mais je ne la raconterais pas aujourd’hui tout-à-fait de la même manière. J’en trouve le style encore un peu scolaire, et guindé.)

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