Dix-huit mois que Maman est morte. Dix-huit mois au cours desquels j’ai vécu sans trop penser à elle, léger, presque oublieux, l’esprit occupé par le Covid et ses confinements et par quelques difficultés avec ma sœur pour le règlement de la succession, mais enfin, malgré tout, dix-huit mois heureux et tranquilles.
Et voilà que je regarde une photo, et que je me mets à relire quelques uns de nos échanges, « Je t’aimerai jusqu’à la fin des temps », « Partons tous les deux, partout où nous irons il y aura du ciel bleu », et je revois cette vieille femme épuisée, fragile, égarée, prisonnière, je la revois brûlant douloureusement pour moi d’un amour dévorant, absolu, sans limite, que je ne peux pas et ne veux pas lui rendre, et en quelques secondes, sans prévenir, ma gorge se serre, ma vue se brouille, le chagrin me submerge, une déferlante de chagrin aussi haute que le jour de sa mort.
J’aimerais pouvoir te dire que cela passera avec le temps. Ce n’est pas vrai. Si effectivement on peut vivre des moments heureux quotidiens après la phase aigüe du deuil, ce genre de bouffées de chagrin surgit même après des années. Claude mon frère est mort il y a 9 ans, ma soeur Christiane il y a bientôt quatre, c’est toujours là.
Lorsque Mme Arbon parlait de “Jean Pierre “, on devinait tout l’amour et l’adoration qu’elle lui portait … c’était il y a vingt ans.