Retournement

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La poésie est une pensée d’une densité extrême, dont les haïren (courts poèmes) de Nahabed Koutchak sont un exemple parfait.

Ton premier cri, les pleurs que tu versas naguère
En franchissant le seuil du ventre maternel
Furent salués par une salve de rires
Mais quand tu franchiras le seuil de cette vie
A ton tour puisses-tu rire, éclater de rire,
Nue comme au premier jour parmi les pleurs du monde

Celle qui s’en vient hurle, seule, au milieu de la liesse générale. Celle qui s’en va exulte quand les autres se lamentent. La naissance et la mort, l’arrivée et le départ, l’accueil et l’adieu, le cri et les rires, le premier et le dernier jour : Koutchak met tout cela en miroir avec une concision stupéfiante. Toutes les perspectives s’inversent. La vie est un retournement, une metanoïa. Seule reste la nudité, point focal : comme un dépouillement, et un triomphe.

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Claudine

J’aime ce poème et ce que tu en dis, j’aime aussi ‘image du “retournement” et la référence chrétienne à la μετάνοια (bouleversement, conversion du coeur, changement profond). Tout le mystère de la
résurrection est là (au moins symboliquement). En grec biblique dans l’évangile de St Jean 20 14-16, le mot utilisé n’est pas μετάνοια (métanoïa), mais un synonyme επιστρέφω (epistrepho) qui
signifie littéralement : se tourner, se retourner et par extension se convertir. Or dans le récit de l’apôtre Jean, il est utilisé deux fois pour signifier le bouleversement intérieur de Marie de
Magdala devant le tombeau vide. Celle-ci se tourne vers le Christ qu’elle prend d’abord pour le jardinier ; puis, se retournant (une seconde fois) à l’appel de son nom, elle le voit.