Nahabed Koutchak

Voici donc ce livre, produit d’une fusion de bibliothèques, dont je parlais hier.

Cent-poemes-amour-et-exil-Nahabed-Koutchak.jpg

Nahabed Koutchak est un poète arménien du XVI siècle, ce qui en fait l’exact contemporain de Ronsard. Ses Cent Poèmes d’amour et d’exil sont des merveilles de simplicité et d’intensité. Comme Ronsard, son thème principal est l’amour : l’amour total, corps et âme, l’amour fou. Et la brièveté de la vie. « Quand vous serez bien vieille » dit le Français. Tes beautés, « morte, qu’en feras-tu ? » dit en écho l’Arménien. Mais je lui trouve aussi des accents baudelairiens (« la vermine qui vous mangera de baisers…») :

Ces yeux si noirs, ces nocturnes sourcils,
Ce front parfait, ce visage de rose…
Et ce double trésor de blancheur clandestine,
Ah, ces tendres melons si luisants, si menus…
Morte, qu’en feras-tu? Les vermisseaux
N’épargnent rien…  Et tu me laisses démuni !

Or tout grand amoureux est un exilé en puissance : loin de l’aimée, il erre dans des contrées lointaines, il a chu du paradis. Comme Koutchak connaît bien l’exil réel des déracinés (les Ottomans ne laissaient déjà pas les Arméniens tranquilles, à l’époque), et celui de la mort, sous sa plume l’amoureux les rejoint, et tous les exils se ressemblent. Mais lorsque les amants se retrouvent :

Ô nuit si tu pouvais durer toute l’année
Pour la première fois depuis des siècles
Mon amour vient me rendre visite
Ô jour perturbateur, aube maudite,
Ô toi dont les lueurs cruellement dénouent
Les couples clandestins, n’approche pas de nous

Etendre la nuit jusqu’au bout du monde, retenir l’aube, tel est, depuis Homère, le soupir des amants.

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