La carpe de Delphes

Je n’ai pas l’esprit philosophique. J’assistais l’autre jour par hasard à une causerie sur le thème « Deviens qui tu es ». Une quarantaine de personnes écoutaient, en prenant des notes, un philosophe de profession disserter sur cette devise de Pindare. (Comment diable, vous demandez-vous, assiste-t-on à une causerie par hasard ? En accompagnant sa femme, qui, entrainée là par une amie, vous demande avec un sourire désarmant, au moment vous la déposez à l’endroit du rendez-vous : – Tu es sûr que tu ne veux pas rester ?)

Donc, « deviens qui tu es ». On pouvait dire, ô Dieu, bien des choses en somme, sur un sujet pareil. Mais très vite, nous nous sommes retrouvés aux pieds de la déesse Pensée, devant lesquels, sur l’injonction du philosophe, l’auditoire s’inclinait répétitivement en hommage respectueux. « – C’est la pensée qui fonde l’être. (Cogito, ergo sum). C’est par elle que nous accédons au réel. Mais (je résume) pas au réel, simplement : au réellement réel, à l’étant du réel. C’est la pensée qui nous permet de répondre à la consigne delphique du Connais-toi toi-même. »

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Moi, sur les rives de l’étang du réel, j’ai filé, et je me suis mis à observer une grosse carpe qui, sortant d’un fond vaseux, venait faire des bulles en surface, tandis que deux aigles, du haut du ciel, voyant qu’elle se prenait pour le nombril du monde, lui jetaient des cailloux.

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