Standing in the doorway

On fêtait hier les quatre-vingts ans de Bob Dylan. A cette occasion, le Guardian a demandé à de nombreux artistes (Mick Jagger, Marianne Faithfull, Tom Jones, Judy Collins, Suzanne Vega, entre autres) quelle était, parmi toutes ses chansons, celle qu’ils préféraient (à lire ici).

Je me suis posé la même question. Je ne suis pas un spécialiste de Dylan, je ne connais pas toute son œuvre, mais j’ai un gros coup de cœur pour son disque Time out of mind. C’est du rock solide, lent, un son gras, des atmosphères parfois presque poisseuses. On y trouve quelques chefs d’œuvre : Not dark yet (crépusculaire à souhait), Make you feel my love (sublime chanson d’amour). Et Standing in the doorway, que j’ai choisie.

C’est une longue ballade d’une tristesse magnifique. Un homme s’est fait planter par la femme qu’il aimait. Il pleure devant sa porte, ne sait plus où aller, ne s’en remet pas, et rumine des sentiments mêlés, à la fois lucide et confus, en proie à un indélébile chagrin, désemparé, inconsolable :
Last night I danced with a stranger / But she just reminded me you were the one (La nuit dernière, j’ai dansé avec une inconnue / Ça m’a juste rappelé qu’il n’y avait que toi)

Toute poésie, et celle de Dylan n’échappe pas à la règle, est une tentative de dire l’indicible. Mais c’est une tentative qui n’aboutit jamais vraiment.
I see nothing to be gained by any explanation / There’s no words that need to be said (On ne gagne rien à expliquer / Les mots n’ont pas besoin d’être dits).

Emouvant aveu, pour un prix Nobel de littérature.

 

Standing in the doorway
(traduction JP Arbon)

Je traverse les nuits d’été
On entend un jukebox
Hier tout allait trop vite
Aujourd’hui ça va trop lentement
Je n’ai nulle part où aller
En moi tout est brûlé
Si je te voyais, je ne sais pas si je t’embrasserais ou si je te tuerais
Tu t’en moquerais sans doute de toute façon
Tu m’as planté devant ta porte, je pleure
Et je n’ai rien vers quoi repartir

La lumière est si moche ici
Qu’elle me fait mal au crâne
Et tous ces rires ça me rend triste
Les étoiles sont devenues rouge cerise
Je gratte ma gaie guitare
Je fume un cigare à deux balles
Le fantôme de notre ancien amour ne s’est toujours pas éloigné
Et il n’a pas l’air près de le faire
Tu m’as planté devant ta porte, et je pleure
Sous la lune de minuit

Peut-être qu’ils m’auront, peut-être qu’ils ne m’auront pas
Pas ce soir en tout cas, et ce ne sera pas ici
Je pourrais dire des choses mais je ne le ferai pas
Car la miséricorde de Dieu n’est pas loin
J’ai voyagé dans le train de la nuit
J’ai de l’eau glacée dans mes veines
Je serais fou de vouloir te reprendre
Ce serait contre toutes les règles
Tu m’as planté devant ta porte, je pleure
Et souffre comme un fou

Quand déclineront les dernières lueurs du jour
Mon pote, c’en sera fini de vieillir
Dans la cour, j’entends les cloches de l’église qui sonnent
Je me demande bien pour qui
Je sais que je ne peux plus gagner
Pourtant mon cœur ne renoncera jamais
La nuit dernière, j’ai dansé avec une inconnue
Ça m’a juste rappelé qu’il n’y avait que toi
Toi qui m’as planté devant ta porte, et je pleure
Dans l’obscur pays du soleil

Je mangerai quand j’aurai faim, je boirai quand j’aurai soif
Je mènerai une petite vie bien réglée
Et quand la chair tombera de mon visage
Je sais qu’il y aura quelqu’un pour s’occuper de moi
Même la plus légère des caresses
Elle compte tellement
Au fond, on ne gagne rien à expliquer
Les mots n’ont pas besoin d’être dits
Tu m’as planté devant ta porte, et je pleure
La tête toute enveloppée de blues

S’abonner
Notification pour
guest

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
AGUERRE G.

Beaucoup plus tard de t’avoir lu (mais le temps des chansons est éternel) me reviens ce “I’ll Be Your Baby Tonight”
Close your eyes, close the door
You don’t have to worry anymore
I’ll be your baby tonight

Shut the light, shut the shade
You don’t have to be afraid
I’ll be your baby tonight

que j’ai appris sur le campus de l’université à New Orleans. Nous avions tous des colliers de fleurs au cou, des cheveux longs, quelques uns des guitares, et le cercle sur le gazon était vaste, bariolé de langues et d’accents.
Je n’ai jamais oublié.

Et merci encore JP pour tes billets.

besos G.

MArie Potterre

Bonsoir M. Arbon, Merci pour cette sélection. Pour la traduction aussi. Etrange comme jamais je n’ai accroché sur M. Dylan. Et là, paf. Voilà. C’est tout. Je crois comprendre que vous pouvez vivre en musardant, et en écrivant un blog. C’est épatant. Bonne continuation. Salutations dinstinguées, MA Pottier