Smaragdin et coruscant

Paul Valéry était incontestablement un amateur d’épithètes rares. Dans ses jeunes années il faisait volontiers étalage de son vocabulaire. A dix-neuf ans, dans une lettre (à Gustave Fourment), il parle de la « splendeur smaragdine » des poèmes de Pierre Louÿs ; dans une autre (adressée à André Gide) il écrit : « J’ai le cerveau plein de ces vents et de ces coruscantes vagues qui hennissent ».

C’est maniéré, affecté, et à la vérité, même une fois qu’on a consulté le dictionnaire, ça ne veut pas dire grand chose, si ce n’est regardez comme j’écris bien. Pour reprendre une de ses propres images, il écrivait alors « en Moi dièse » et non en Moi naturel.

Heureusement cela n’a pas empêché cet homme d’énoncer plus tard des choses d’une intelligence rare, et qui ne manquaient pas parfois d’autodérision, comme ce constat qu’un écrivain « peut toujours simuler la profondeur par un arrangement et une incohérence de mots qui donnent le change. On croit réfléchir au sens, tandis qu’on se borne à le chercher. » Ou encore celle-ci, que j’ai déjà citée, que j’adore, et qui pourrait servir d’exergue à ce blog : « L’esprit vole de sottise en sottise comme l’oiseau de branche en branche. L’essentiel est de ne point se sentir ferme sur aucune ».

(Je note que, tout à la célébration d’un autre Sétois, nous en avons collectivement oublié la semaine dernière d’honorer la mémoire de Valéry, dont c’était le 30 octobre le cent-cinquantenaire de la naissance.)

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