« Si j’arrondissais mes États ? » écrit La Fontaine dans Les deux chiens et l’âne mort. C’est ce qu’a dû se dire Poutine, qui doit annoncer aujourd’hui que la Russie annexe une partie de l’Ukraine. « S’outrer pour acquérir des biens ou de la gloire » : la tentation est commune à bon nombre d’autocrates, régner sur davantage de terres et de peuples signifiant plus d’impôts qui rentrent, et partant (mais c’est une conséquence sur laquelle on reste en général discret) « de quoi remplir ses coffres de ducats ».
L’homme est ainsi bâti. Quand un sujet l’enflamme
L’impossibilité disparaît à son âme.
Combien fait-il de vœux, combien perd-il de pas
S’outrant pour acquérir des biens ou de la gloire ?
Si j’arrondissais mes États !
Si je pouvais remplir mes coffres de ducats !
Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire !
Tout cela, c’est la mer à boire.
Gageons néanmoins que ces morceaux d’Ukraine seront durs à avaler, et que la mer d’Azov ne sera pas plus facile à boire qu’une autre.
Je suis désolé de reconnaître que ce qui arrive à l’Ukraine est en grande partie la faute de M. Zelenski qui a refusé d’accorder aux “provinces séparatistes” l’autonomie qu’elles demandaient dans le cadre de l’Ukraine. Il faut dire également que supprimer le russe comme langue officielle d’Ukraine (en sus de l’ukrainien) n’était pas de nature à rassurer les russophones qui représentent un tiers des Ukrainiens… Du coup, suite au coup d’état de Maidan, en huit ans, 14 000 morts (selon l’ONU) dans les oblasts en question ! La situation géopolitique est toujours plus compliquée qu’on croit et les prétentions d’un “autocrate” ne semblent pas les seules raisons de l’attitude des Russes : une bonne partie de la sphère dirigeante russe en veut beaucoup au président Poutine perçu comme trop modéré…