La mer à boire

J’ai parlé vendredi de « la mer à boire », et voici d’où vient l’expression.

Xantus était un philosophe de Samos. C’était aussi un fanfaron, doublé d’un imprudent. Un soir qu’il s’enivrait, un de ses amis lui dit qu’il buvait trop.
— Tais-toi, répondit Xantus, je pourrais boire la mer.
Ses compagnons se moquèrent.
— La mer ?
— Parfaitement, la mer, insista Xantus. Qu’est-ce qu’on parie ?
— Ta maison ?
— D’accord.
Et Xantus paria sa maison.

Lorsqu’arriva le jour fixé pour l’exécution du pari, tous les habitants de l’île se pressaient sur le rivage, et Xantus cherchait encore comment se sortir de ce mauvais pas. Or, il possédait le plus sage et le plus malin des esclaves. Cet esclave s’appelait Ésope (celui-là même qui écrivit des Fables que La Fontaine prit plus tard pour modèles). Ésope lui souffla : — Vous avez dit que vous boiriez toute l’eau de la mer, mais pas celle des fleuves qui se jettent dedans. Demandez donc à ceux qui ont parié contre vous qu’ils commencent par détourner les cours des fleuves, et ensuite seulement vous boirez.

Ainsi fit Xantus. On admira la façon dont il s’était tiré d’affaire. On l’acclama. En récompense de son conseil, Ésope demanda la liberté. Mais Xantus la lui refusa, trop heureux de conserver à son service un homme aussi avisé.

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