Jonglerie
Les Légers n’inclinent pas à la philosophie. Les idées ne les intéressent pas beaucoup, moins encore quand elles sont mises en système.
Cela ne les empêche pas d’admirer ceux qui sont capables d’en produire et de les articuler. Montrez-leur un de ces virtuoses de la pensée, ils le regarderont comme les enfants regardent un jongleur, au cirque : bouche bée, yeux écarquillés devant les massues qui volent et les cerceaux qui tournent. Et comme les enfants, ils verront un instant le monde entier orbiter entre les mains de l’artiste.
Mais cela ne durera que le temps bref où s’y fixera leur attention. L’instant d’après, leurs yeux apercevront, dans la pénombre du chapiteau, les agrès qui pendent dans l’attente d’un numéro à venir, les visages des spectateurs assemblés autour d’eux, la peinture écaillée des chaises sur lesquelles ils sont assis, et ils constateront à nouveau que non, le mystère du monde n’est pas, ne sera jamais, épuisé par quelques idées-balles, aussi habilement lancées soient-elles.
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Cirque
Les Légers, nonobstant, vont volontiers au cirque. Chaque année, une piste, avec ménagerie et agrès, s’installe pour tout l’hiver à la périphérie de leur capitale, avant de reprendre la route, aux beaux jours.
Devant le chapiteau brûle un grand feu de camp, autour duquel stationnent roulottes et caravanes. Sur l’une d’elles, on lit cette phrase, tirée d’un poème tzigane et qu’un Léger, autrefois, a peinte en lettres d’or : « La neige, le vent, les étoiles, pour certains ce n’est pas assez. »
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(à suivre)