Scènes de la vie des Légers (9) : Rêvoirs, Fruits

 

Rêvoirs

Qu’est-ce qu’un fumoir ? Un lieu où l’on fume. Un lavoir ? Un lieu où l’on lave. Un abattoir ? Un lieu où l’on abat. Un dortoir ? Un lieu où l’on dort.

Il existe même – au moins dans la littérature – des lieux propres aux rêves, dénommés rêvoirs : leur présence est attestée chez Rabelais, ainsi que chez Jules Laforgue.

En songeant au contre-exemple : couloir, où l’on coule rarement, et que le dictionnaire définit comme lieu de passage, le Léger se dit qu’il aurait mieux été dénommé passoir, sans e.

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Fruits

Les pommiers donnant des pommes, les poiriers des poires, les pruniers des prunes, les cerisiers des cerises, et les marronniers des marrons, l’Industrieux voudrait que les fruits du mûrier soient les mûres, ceux du palmier les palmes, et que, divers en nombre, en couleurs et en goûts, les peuples pendent par grappes aux branches des peupliers.

Le Léger prend le problème par un autre bout. Il admet que les mots qui se terminent en –ier désignent des arbres. Bien qu’il sache pertinemment qu’un lévrier n’est pas un arbre, non plus qu’un chantier, il dispose cependant d’une fantaisie suffisante pour les imaginer s’enraciner dans la terre, et déployer vers le ciel de curieuses branches : poilues et maigres dans un cas, en forme de grues dans l’autre. Puis il y accroche leurs fruits : aux premières des lèvres, aux secondes des chants.

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(à suivre)

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