Scènes de la vie des Légers (13) : Questions, Désulteurs

 

Questions

Le Léger se demande, comme la plupart des gens : « Quel temps fera-t-il demain ? », ou « Et Dieu dans tout ça ? ». Mais il a aussi une dilection quasi orientale pour des questions comme « Quand le rêveur meurt, que devient le rêve ? », ou « L’arbre qui tombe dans la forêt, fait-il du bruit si personne ne l’entend ? » Elles suscitent en lui des méditations agiles et vaporeuses, analogues, pense-t-il, à celles qui occupent le cerveau d’un maître zen.

Il est capable d’en imaginer ad libitum sur ce modèle : « Que reste-t-il des nuages quand les ruisseaux sont taris ? », « Que reste-t-il d’un rivage quand les bateaux sont partis ? », que reste-t-il d’une extase quand se séparent les peaux, que reste-t-il d’une phrase quand on ne dit plus ses mots… Mais il dérape vite, comme on voit, de la question à la variation, puis de la variation à la ritournelle, jusqu’à tomber, parfois, dans la rengaine, malencontreusement.

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Désulteurs

A la grande irritation des Industrieux, les Légers, pour la plupart, ignorent l’art de tenir fermement une idée. Ils s’arrêtent là où leur pensée s’arrête, ou, le plus souvent, là où elle bifurque. Ils ont l’esprit désultoire, c’est-à-dire qu’ils sautent d’un sujet à un autre, comme ces cavaliers antiques, nommés « désulteurs », qui passaient d’une monture à une autre, en plein galop.

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(à suivre)

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