Le centre du monde
Pour déterminer où se situe le centre du monde, on lâche deux aigles de chaque côté de la Terre, l’un au Levant, l’autre au Couchant. Ils volent à la rencontre l’un de l’autre, et là où ils se retrouvent, c’est l’endroit recherché. On le marque d’une pierre, et on y bâtit un temple.
La méthode vaut ce qu’elle vaut, mais elle a été établie par Zeus, et les Légers tiennent qu’elle n’a jamais été surpassée, vu que le résultat qu’elle donna jadis est Delphes, que chacun s’accorde à trouver assez judicieux : le lieu est majestueux, spectaculaire, escarpé, lumineux, bien mieux qu’Oulan-Bator ou que Neuilly-sur-Seine.
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Pousseurs de feuilles
Les quartiers arborés des villes deviennent, à l’automne, le théâtre de scènes pénibles. Une armée d’Industrieux harnachés de souffleuses thermiques envahit rues et jardins, et pousse en vrombissant les feuilles tombées à terre afin de les mettre en tas. Les Légers du voisinage préfèreraient qu’on s’en tienne pour cette besogne aux classiques balais et râteaux. – Pas question, répondent (en criant pour surmonter le ronflement de leurs machines) les Industrieux. – Mais ce bruit nous casse les oreilles, argumentent les Légers. – Vous n’avez qu’à vous les boucher, contre-argumentent les Industrieux.
Les Industrieux aiment à s’affranchir du travail musculaire, au moyen de toutes sortes d’engins, motorisés ou non, quelles que soient les pollutions (atmosphérique, sonore et autres) qui en résultent. Ils affirment que se libérer des tâches pénibles constitue l’un des pas décisifs de l’évolution de l’Homme, et que, quoiqu’on en dise, même si la notion est aujourd’hui en crise, nul n’a encore, dans les faits, renoncé au progrès.
Les Légers ne savent pas trop quoi objecter à cela. Ils préfèrent se retirer de la discussion. De toute façon, avec ces souffleuses sur le dos, il est très difficile de s’entendre.
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(à suivre)