Pyrrhus et Cinéas

Pyrrhus (318-272 av JC), était un petit cousin d’Alexandre le Grand qui régna sur l’Epire. Ambitieux conquérant, infatigable guerrier, il voulait dominer l’Occident, de l’Italie à l’Afrique du Nord, et fut à deux doigts de soumettre Rome.

Plutarque, dans ses Vies des hommes illustres, raconte que Pyrrhus avait un sage conseiller nommé Cinéas qui, voyant l’impatience du roi à se lancer dans les batailles, lui demanda un jour : — Si les dieux nous donnent de vaincre, quel usage ferons-nous de la victoire ? — Une fois vaincus les Romains, répondit Pyrrhus, nous prendrons toute l’Italie. — Et après ? reprit Cinéas. — La Sicile toute proche nous tendra les bras. — Et lorsque nous aurons pris la Sicile ? poursuivit Cinéas. — Nous jetterons la main sur la Libye et Carthage. — Et ensuite ? — Nous irons reconquérir la Macédoine, et affermir notre domination sur la Grèce. — Mais à la fin, insista Cinéas, quand tout sera soumis, que ferons-nous ? — Ah, dit Pyrrhus, « alors nous jouirons de la vie tout à notre aise, buvant et banquetant tout le jour, et nous délectant en propos aimables ».

Campagnes de Pyrrhus en Italie (source Wikipedia)

Cinéas sourit tristement : — Jouir de la vie à notre aise… Certes, mais pourquoi payer de tant de sang, de fatigues, de dangers, de souffrances pour les autres et pour nous-mêmes un bien dont nous pouvons disposer déjà ?

Plutarque note que « ces paroles contrarièrent Pyrrhus sans le faire changer de résolution ; car il comprenait bien le bonheur qu’il allait abandonner, mais il n’avait pas la force de renoncer aux espérances qui flattaient ses désirs ».

Il paraît que c’est cette histoire dont s’est inspiré Heinrich Böll pour écrire l’histoire du pécheur, dont je me suis moi-même inspiré pour Kodjo. Remplacez la course à la puissance par la course à l’argent, c’est le même (et inutile) combat, on en veut toujours plus : mais pour en faire quoi, à la fin ?

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