Mon côté XVIIè (siècle)

Certaines de mes chansons ne sont pas complètement de moi, parce que je me suis inspiré d’histoires ou d’œuvres préexistantes pour les écrire.

L’histoire de Kodjo par exemple n’est pas de moi. Je l’ai entendue comme une histoire drôle, qu’on se raconte entre amis (j’ai découvert après coup que c’était une fable de l’écrivain allemand Heinrich Böll). Elle m’a plu. J’ai décidé d’en faire une chanson. Dans la version originale, elle se passait en Europe. J’ai eu envie de la situer en Afrique, pour accentuer le contraste avec l’Amérique comme figure du capitalisme triomphant. Et j’ai inventé Kodjo. Pour Temps d’hiver, ma dernière chanson, c’est encore plus net: j’ai pris (comme je l’ai écrit sur le blog) un poème existant de Jehan-Rictus, que j’ai retaillé et transformé, j’ai fait le bernard l’hermite, ou le coucou, je me suis glissé dans les mots d’un autre avant d’y mêler les miens…

Du coup, certaines personnes leur trouvent un mérite moindre qu’à celles qui sont véritablement de mon crû.
Pardonnez l’immodestie de la comparaison, mais les mêmes personnes diraient-elles que les Fables de La Fontaine ne sont pas de La Fontaine, parce que, comme il l’annonce d’ailleurs lui-même au début de l’ouvrage, il “chante les héros dont Esope est le père”?

Il joue carte sur table, il cite ses sources, lui au moins. Les auteurs qui prétendent faire oeuvre originale, presque tous, sont des hypocrites. Certes, la comédie humaine est infinie, mais pas si infinie que ça, en fait. Les variations sont infinies. Les thèmes, non: l’amour, la mort, l’ambition, l’argent… Et les situations non plus. Molière reprend Plaute, et Racine Euripide. Au XVIIè siècle, on écrivait des chefs d’oeuvre sans pour autant faire semblant d’inventer des personnages ou des sujets.

Pour revenir à la chanson, j’ai découvert un jour qu’une de celles que je place parmi les plus sensuelles et les plus poétiques jamais écrites, Blanche, chantée par Pierre Perret, puisait plusieurs de ses images dans un poème de Garcia Lorca, la Femme adultère. Mais Perret n’en fait mention nulle part. La chanson reste sublime, elle est cependant ternie par ce silence sur ses emprunts.

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arbon

Mais il y a la réponse de Musset:
“La lâcheté nous bride, et les sots vont disant / Que sous ce vieux soleil tout est fait à présent / Comme si les travers de la nature humaine / Ne rajeunissaient pas chaque an, chaque semaine”

jacques langlois

Comme l’a écrit La Bruyère dans la préface de ses “Caractères”:
“Tout est dit et l’on vient trop tard depuis 2000 ans qu’il y a des hommes et qui pensent”.