Pourquoi cesse-t-on d’être oiseau ?

Ai-je jamais été oiseau ? Je me souviens de ma première guitare. J’ai tout de suite cherché mon chant. J’improvisais des mélodies, j’essayais des accords, je marmonnais des mots attrapés au hasard. C’était mystérieux, organique, naturel, la raison n’y prenait presque pas part. Oui, je crois que j’ai été oiseau.

« – Ecriviez-vous parce que vous aviez des choses à dire ? »
– Non. C’étaient plutôt des choses à faire entendre, à exprimer en deçà du sens. Des sons, qui parfois devenaient des chants, plaisamment agrémentés de mots. Les paroles qui me venaient en premier arrivaient sans autre intention que d’être des syllabes sur des notes, puis elles finissaient par s’articuler en un tout cohérent. J’aimais beaucoup les assembler, et à la fin ça faisait une chanson. Mais le sens ne se dessinait que peu à peu. Il m’arrivait d’en être étonné. Face à une chanson nouvelle-née, je me disais souvent : tiens, c’est toi qui as écrit ça…

Et c’est là sans doute la raison pour laquelle je ne chante plus : je ne parviens plus à m’étonner. Les accords qui me viennent ne m’étonnent plus, les mots qui me viennent ne m’étonnent plus. Les nouveautés que je tente d’explorer ne me plaisent pas. Je ne produis plus rien qui me soit à la fois personnel et agréablement étrange. C’était un charme, il est rompu.

Et voilà pourquoi votre chanteur est muet.

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