Passion

Il y a une mystique romantique du dĂ©passement de soi. « Rien de grand ne s’est jamais fait sans passion. » « Du sollst, den du kannst. » « Where there is a will, there is a way. » Mais toutes ces apologies de l’action, tous ces Ă©loges de la volontĂ© ont toujours sonnĂ© pour moi comme des langues Ă©trangĂšres. MĂȘme celui qui est en français. (D’ailleurs, c’est du Hegel : pour me le rendre comprĂ©hensible, il ne s’agit pas que de le traduire de l’allemand.)

Je n’aime pas cette injonction Ă  agir. Je penche plutĂŽt du cĂŽtĂ© des anciens (Epicure, SĂ©nĂšque). La passion est ce que l’on subit. C’est une souffrance. « Le sage est sans passion ».

SĂ©nĂšque

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Bertrand de Foucauld

Oui, effectivement, Épicure prĂŽnait la prudence et non-pas les plaisirs par excĂšs, ainsi qu’en tĂ©moigne cet extrait de sa lettre Ă  MĂ©nĂ©cĂ©e: “le plus grand des biens, c’est la prudence. Il faut donc la mettre au-dessus de la philosophie mĂȘme, puisqu’elle est faite pour ĂȘtre la source de toutes les vertus, en nous enseignant qu’il n’y a pas moyen de vivre agrĂ©ablement si l’on ne vit pas avec prudence, honnĂȘtetĂ© et justice”.

Mais en ce qui me concerne, j’ai toujours choisi le dĂ©passement de soi, quitte Ă  payer le prix, car vivre, c’est-Ă -dire, rĂ©flĂ©chir, prier et agir fidĂšlement Ă  son conscience, Ă  son cƓur, bref, ĂȘtre fidĂšle Ă  qui l’on est, vous rend vrai, donne sens Ă  votre vie, vous permet d’entrer en vĂ©ritable contact avec les autres. Autrement dit, vivre fidĂšlement Ă  soi met du sel dans l’existence. Mais cela exige de renoncer Ă  un certain confort, voire, quelque fois, Ă  faire des choix douloureux. Vivre ainsi exige aussi de se former, de s’informer rĂ©guliĂšrement afin de clarifier, voire corriger, continuellement son chemin.

Est-ce qu’Épicure ne devait pas ressentir une passion pour l’Ă©criture, pour la philosophie, afin d’avoir suffisamment de motivation pour rĂ©diger tous ses textes?

Vers la fin de l’antiquitĂ©, voici un peu plus de deux mille ans, un jeune sage a donnĂ© sa vie pour les hommes, dans des conditions atroces. Il a souffert la Passion par passion pour chacun d’entre nous. Aujourd’hui, sauf erreur de ma part, sa naissance sert d’Ă©vĂšnement-clĂ© pour la datation de l’Histoire du monde.

Est-ce que Jean de la Fontaine n’a pas pris des risques en taquinant souvent le Roi-Soleil, par passion, probablement motivĂ© par l’analyse des mƓurs de son Ă©poque et souhaitant le faire via les fables et l’anthropomorphisme (par prudence?) d’un Ancien? Ce poĂšte n’Ă©prouvait-il pas un vĂ©ritable amour pour la langue française (“L’onde estoit transparente ainsi qu’aux plus beaux jours; Ma commere la Carpe y faisoit mille tours”).

Est-ce qu’un certain poĂšte-chanteur contemporain – mais qui est-il donc? – n’a pas laissĂ© tomber “une carriĂšre” (ce mot me fait toujours penser Ă  des forçats en train de casser des cailloux sous un soleil de plomb :D) pour nous offrir un autre regard sur l’existence, un regard qui donne un aperçu plus Ă©levĂ© de la Vie? Ne nous a-t-il pas appris qu’ “Il pleut au Paradis”? Ne nous a-t-il pas enseignĂ© de dĂ©passer nos peurs des “Tartares” et de penser plutĂŽt Ă  des “Mots d’amour et [Ă ] des chansons”? Ne nous propose t-il pas de changer “Le cap et la boussole” face Ă  la question : “OĂč va le monde?” Et puis ceux qui ne sont pas d’accord peuvent toujours prendre la “Porte”! 😀

Par Passion…