Partout où il n’y aura rien

Il est venu. Elle n’était pas là. Il était amoureux : il a attendu. La nuit est tombée. Alors il a pris son écritoire, et il a laissé un mot, qu’il a rédigé, dit-il, sans voir, dans les ténèbres. Il n’arrivait pas à se relire, il traçait les lettres à l’aveugle, et comme il craignait sans doute que les caractères ne se chevauchent, en même temps que d’avoir laissé une grande partie du papier en blanc, il a eu cette formule sublime : « Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime. »

Partout où il n’y aura rien… La question fondamentale de Leibniz se trouvait ainsi retournée. Pourquoi y a-t-il rien plutôt que quelque chose ? Pour que jusque dans le vide, le silence, l’absence, le désert, vous sachiez que l’amour existe, et que le mien est pour vous.


 « J’écris sans voir. Je suis venu ; je voulais vous baiser la main et m’en retourner. Je m’en retournerai sans cette récompense (…) Il est neuf heures, je vous écris que je vous aime. Je veux du moins vous l’écrire ; mais je ne sais si la plume se prête à mon désir. Ne viendrez-vous point pour que je vous le dise et que je m’enfuie ? (…) Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres (…) L’espoir de vous voir un moment m’y retient, et je continue de vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime. » (Diderot, lettre à Sophie Volland, 10 juin 1759)

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Aguerre

Merveilleux ❤️