Monde flottant

A mesure que les années passent, j’éprouve une sympathie de plus en plus marquée à l’égard de ceux qui se sont retirés du monde. J’ai déjà parlé plusieurs fois de Ryokan, ce moine et poète japonais (1758-1831) qui vécut en ermite la plupart de son temps. Chaque jour, il écrivait quelques lignes qui ne disent souvent rien d’autre que la jubilation d’être en vie, en harmonie avec la nature, et émerveillé par elle. Les formes changeantes des nuages, la couleur émeraude des pins, la pâleur resplendissante de la lune, la goutte de rosée sur un brin d’herbe, à l’aube, constituent les thèmes de ses poèmes, répétitifs comme une litanie éblouie, exultants comme autant d’actions de grâce.

Moi, je sais bien que c’est l’idée de la nature qui me plait, plus que la nature elle-même. Je serais bien incapable de vivre comme Ryokan, dans un dénuement sans confort, cueillant et mendiant (comme je serais aussi incapable, à la vérité, de vivre simplement comme mon fils Augustin, dans sa ferme). Mais j’admire profondément tous ceux qui dans leur vie ont su retourner à une forme sobriété vertueuse. Et lire Ryokan me fait vibrer :

Je marche jusqu’au torrent d’émeraude en fredonnant des chansons
assis je regarde les nuages mouvants surgir des cimes déchiquetées
pitoyable celui qui recherche renom et richesse dans ce monde flottant
toute sa vie gaspillée à courir dans le vent et la poussière

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