L’otium du peuple

Ce qui est bien, quand on apprend par les journaux la mort de quelqu’un, c’est qu’on apprend souvent aussi son existence par la même occasion. De Bernard Stiegler je ne connaissais que le nom. Maintenant, j’en sais un peu plus, pour avoir lu sa nécrologie samedi dans Le Monde, ainsi qu’un fort intéressant article qu’il avait fait paraître dans le même journal en avril dernier, sur son expérience du confinement.

Il voyait dans celui-ci « l’occasion d’une réflexion de très grande ampleur sur la possibilité et la nécessité de changer nos vies », et l’avènement éventuel de ce qu’il avait appelé un « otium du peuple » : « revalorisation du silence, des rythmes que l’on se donne, plutôt qu’on ne s’y plie, d’une pratique très parcimonieuse et raisonnée des médias et de tout ce qui, survenant du dehors, distrait l’homme d’être un homme. »

« Otium du peuple » ? L’idée m’a fait lever un sourcil. L’otium, c’est le temps non marchand, hors travail, celui qu’on ne vend pas pour de l’argent. Comment créer les conditions de sa popularisation ? Et comment s’y prendre pour le valoriser ? Une des pistes que proposait Stiegler consistait à s’inspirer du modèle des intermittents du spectacle, « qui ne trouvent des emplois intermittents que pour autant qu’ils cultivent un tel otium, c’est-à-dire une fructification de leurs singularités ».

Royal Clown Company © Christophe Raynaud de Lage

L’idée est séduisante (quoiqu’assez paradoxale à mon sens), c’est pourquoi je la reproduis ici, mais je me sens bien incapable d’y réfléchir plus avant. Pour reprendre mon mot de vendredi, je suis déjà trop nonchalant de la fructification de ma singularité propre pour prétendre approcher les moyens de développer celles des autres, et pour m’encombrer par surcroît de philosophie politique, pour laquelle je ne me reconnais ni goût ni talent.

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