J’ai retrouvé le brouillon d’une chanson inachevée. Il date de 2013. C’est le moment où mon père et ma sœur avaient décidé qu’après plusieurs mois d’hôpital, ma mère n’était pas en état de rentrer chez elle et devait être placée en maison de retraite.
Où faudra-t-il que l’on pose
Les derniers de nos pas
Dans quel petit salon rose
Dans quel vieux galetas
Un bouquet de fauteuils roses
Un canapé fuschia
Dernier salon où l’on cause
Pourtant nul ne s’assoit
Tout est too much et tout moche
Et comme elle n’avait pas
Encore sa langue dans sa poche
Elle a crié : Pas ça !
Mais nous avons laissé faire
Nous l’avons laissée là
À la porte de l’enfer
Sur le seuil de l’effroi
On devinait à distance
Des vieillards à genoux
Des parodies d’existences
Des regards de hibou
Le désastre a un royaume
Pour peu que nos vies durent
On entre chez les fantômes
Et les spectres murmurent
Goya, Deux vieux mangeant la soupe, Musée du Prado
Elle errait dans l’antichambre
D’une ruine annoncée
De la douleur plein ses membres
Et l’esprit effacé
Son existence éphémère
Percluse de terreurs
De désarrois solitaires
De miroirs de laideurs
Que nous sussurera-t-elle
Quand nous viendrons la voir ?
Quels souvenirs de dentelle ?
Quels secrets cauchemars ?
Quel indiscible naufrage ?
Quels infimes bonheurs ?
Qu’aurons-nous donc en partage
À la fin de son cœur ?
Je suis passé par là moi aussi, il y a bien des années, mais n’aurais pas pu si bien en parler. Merci, l’ami.
Merci Jean-Pierre de partager et de trouver des mots si justes et beaux.
Si juste