Les fauteuils sont rose fuschia. Les murs sont décorés de cadres aux couleurs vives. En accueillant le nouveau pensionnaire, le personnel dit « bienvenue » d’une voix forte. Les sourires sont larges, les poignées de main appuyées.
Les personnes (probablement ses enfants) qui accompagnent le pensionnaire lui disent au revoir en répétant : — Tu verras, tu seras très bien. Lui se sent défaillir. Il comprend qu’on va le laisser là. Il a le sentiment qu’on l’abandonne. Il leur jette des regards désemparés. Il perd encore un peu plus ses moyens.
« Tu vois comment il est : c’est clair que nous n’avions pas le choix », se confortent entre eux les enfants, en sortant de la résidence. « Chez lui, ce n’aurait plus été possible ». Leur position est rationnelle, fonctionnelle. Inattaquable.
Une position horriblement raisonnable, en fait.
Une situation ignoble déjà décrite avec tendresse et humour dans “les nouveaux monstres” de Dini Risi. J’ai la faiblesse de croire que s’il m’arrivait (quand il m’arrivera…) pareille aventure, mon premier geste sera – à la condition que je sois encore pourvu d’une conscience claire – de me jeter de la fenêtre du deuxième étage de l’établissement (mais, hélas, “ils” ont souvent tout prévu puisque les institutions de ce genre et autres EHPAD sont toujours nichées au rez-de-chaussée sans étages).