Jeanne Moreau. La nouvelle de sa mort, hier, m’a rendu triste. Je l’avais côtoyée pendant quelques années. Elle m’impressionnait. J’aimais sa voix grave et précise, sa bouche vénéneuse, les reflets tantôt las tantôt gourmands de ses yeux, sa façon à la fois gouailleuse et aristocratique de vous toiser d’un sourcil expressif, et son regard qui comprenait tout, vif, pénétrant, amusé, mystérieux.
Je n’ai jamais trop su quoi lui dire. N’ayant jamais été un grand cinéphile, je connaissais mal ses films, même les plus célèbres. Mais c’est surtout un petit 45 tours de 1963 qui m’intimidait : J’ai la mémoire qui flanche, La vie s’envole, Moi je préfère, Ta peau Léon, quatre chansons qui ont marqué mon enfance et suffisaient, dans mon imaginaire, à faire d’elle un pendant féminin de Brassens : j’en avais gardé dans ma relation avec elle des pudeurs de midinette.
Je me souviens qu’un jour, à la fin d’un déjeuner, elle avait sorti de son sac un poudrier pour ajuster son maquillage. C’était un beau poudrier d’argent, à l’intérieur duquel quelques vers étaient gravés. — Jeanne, osai-je, est-ce que je peux voir ? Elle m’a tendu l’objet. — Un quatrain de Valéry, un autre de Leopardi, un autre de Shakespeare. Je peux vous les dire si cela vous fait plaisir.
Et j’eus le privilège d’entendre sa voix inimitable dire pour moi seul, en trois langues, quelques-uns des plus beaux vers du monde.
« Chanson, toi qui me parles d’elle, aujourd’hui disparue… »
Pendant de Georges Brassens ! Eh bien Jean Pierre connaissant ton admiration pour l’artiste, c’est plus qu’un hommage, c’est la déclaration d’un amour fantasme de tes 15 ans…
Jeannz Moreau était, bien sûr, assez exceptionnelle surtout par sa personnalité libre et sans affect. Une grande actrice aussi évidemment. Quant à la comparer à un auteur et compositeur comme Brassens, là je ne suis plus. Elle n’a rien écrit ni composé à ce que je sache?
J’avais dix ans… Elle a écrit et composé, si, (voir Jeanne chante Jeanne)
même si ce n’est pas du niveau de Brassens.