Fruits du mystère

« Souviens-toi que tu es né d’une femme ». C’est Bernard de Clairvaux qui apostrophe ainsi le pape Eugène III en exil. J’y vois un appel à l’humilité qui fait pendant au « Souviens-toi que tu dois mourir » des Romains.

L’expression convoque instantanément l’image d’un nouveau-né sanguinolent, vulnérable, à côté de sa mère meurtrie, en sueur, les cuisses ouvertes. Et, si l’on remonte la chaîne des causes et des effets, celle de la même femme neuf mois plus tôt faisant l’amour. Mais avec qui ? Où ? Dans quelles circonstances ? Cette femme était-elle amoureuse, réservée, lascive, contrainte, consentante ? S’agissant de sa propre mère, la scène est difficile à imaginer. Et même si nous savons la plupart du temps qui est notre père, beaucoup de questions restent sans réponse, que nous avons d’ailleurs du mal à nous poser. Le flou domine, le mystère. Nous sommes le fruit d’un mystère. Nous naissons de personnes que nous ne connaissons pas, en tout cas pas sous le jour dans lequel elles nous ont conçus.

« Souviens-toi que tu es né d’une femme » : plonge dans l’énigme de tes origines, prends conscience de la contingence de toute vie, et fais mémoire d’un ventre où nul ne mesure ce qui réellement se passa.

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Claudine Plas-Arbon

Rapprochement intéressant, entre la naissance et la mort, seule différence : le degré de conscience.