Ecole de prière

Notre ami Maurice Joyeux était de passage à Paris ce weekend. Je voulais le voir. En bon jésuite, il animait une école de prière. Ça ne m’amusait pas plus que ça d’y participer (Claudine, au contraire, en était heureuse), mais c’était le prix à payer pour le plaisir de passer un moment avec lui, et je m’en acquittai volontiers.

Le thème en était l’évangile du jour, c’est-à-dire la parabole du fils prodigue. On connait l’histoire : un homme a deux fils. Il partage entre eux sa fortune. L’ainé reste travailler auprès du père, le second prend l’argent et va mener une vie de débauche dans un lointain pays. Il ne tarde pas à se retrouver ruiné et affamé. Il décide alors de revenir chez son père. Celui-ci l’accueille en organisant une fête et en faisant tuer le veau gras. Au fils aîné, qui en prend ombrage, le père répond : « Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »

Maurice invita les participants à méditer en silence cette histoire de tous les points de vue possibles. Chacun devait la laisser résonner en lui, puis faire part, s’il le désirait, des échos qu’elle avait éveillés. Lors de la prise de parole qui suivit, certains évoquèrent la palette de sentiments qu’avait dû éprouver le fils égaré et revenu ; d’autres s’interrogèrent sur l’injustice subie par le fils aîné ; d’autres, enfin, parlèrent de ce qu’avait pu ressentir le père, en recherchant les motivations profondes de son attitude.

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Rembrandt : le fils prodigue

Pour finir, un participant fit remarquer que Saint Luc, dans ce passage, précisait que Jésus avait raconté cette histoire à des pharisiens, en réponse à leurs critiques sur le fait qu’il accueillait volontiers des pécheurs auprès de lui. Dans la société juive de l’époque, les pharisiens étaient plutôt des gens modernes, qui voulaient adapter la vieille loi aux situations nouvelles. « Qu’est-ce que je pense de tout ça si je suis un pharisien ? se demanda donc ce dernier intervenant. Eh bien je pense que ce type mélange tout, qu’il brouille les normes, qu’il abolit la dimension sociale du bien et le mal. J’ai beau être un citoyen moyen, aux vues plutôt éclairées, aux aspirations plutôt progressistes, lorsque j’entends que celui qui a claqué son fric avec des putains est fêté davantage que celui qui depuis des années travaille avec conscience, je remets mes sandales, je me lève, et je quitte l’assemblée en disant à voix haute, pour qu’on m’entende bien : — C’est du grand n’importe quoi ! »

Se révélait ainsi, sous les éclairages multiples apportés par la méthode de Maurice, à quel point l’Evangile était un merveilleux scandale, parce qu’il balaye en effet le bien, le mal, le juste et l’injuste, dans le grand raz-de-marée de l’amour.

 

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