Désir de jonque

« Oncques elle n’eut de souhait impossible. Elle n’eut aucun rêve de lune, aucun désir de jonque l’emportant sans rameur sur un fleuve inconnu »*.

C’est une belle trouvaille, ce désir de jonque, pour dire les rêves d’aventure, d’exotisme, le frisson du danger et de l’inconnu. J’y retrouve des sensations de pré-adolescence, lorsque dans mon lit, la nuit, je dévorais Jules Verne, Alexandre Dumas, Mayne-Reid, Tintin. Je l’éprouvais alors, ce désir, mon imagination me figurait en héros sur fond d’horizons lointains, d’événements énigmatiques, de forêts menaçantes, mon coeur battait de l’excitation de toutes sortes de mystères.

Mais je n’ai pas par la suite cherché à l’assouvir. J’avais l’imagination assez forte pour me représenter la chaleur poisseuse de l’air, l’odeur de poisson pourri, les couchettes crasseuses, les moustiques, les mouches, les cafards, et tout l’inconfort qu’il y aurait à vivre réellement la chose. J’ai bien sûr fait des voyages, plus ou moins aventureux, rarement solitaires, mais comme je m’accommodais assez bien de moi-même et n’avais pas envie de me fuir plus que ça, je n’ai jamais embarqué à bord d’une jonque déserte ni d’un vaisseau fantôme d’un quelconque tonnage. Qui l’a vraiment fait, d’ailleurs ?

 * Les oiseaux de passage, Jean Richepin (mis en musique par Brassens)

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