Chez les riches

Dans mes rêves parfois je vais chez les riches. Je m’envole dans un jet privé, un chauffeur m’attend à l’aéroport pour me transférer sur un yacht où l’équipage me salue, quand je m’installe dans ma cabine on m’apporte un « drink » de bienvenue, et tout cela fait beaucoup de gens qui s’agitent rien que pour moi, tout un petit monde qui a des écouteurs dans les oreilles pour recevoir ses instructions et qui semble très content de cet appareillage, jusqu’à dégager même une paradoxale impression de fierté.

Ce qui les rend fiers, ces secrétaires, gardes, cuisiniers, nounous, capitaines et domestiques ? D’être au service de quelqu’un d’important et de le fréquenter dans son intimité ne serait-ce que quelques jours par an, car l’importance du maître ruisselle sur eux, par imprégnation en quelque sorte, ce qu’on perçoit à leur maintien, à la façon qu’ils ont de toiser ce qui les entoure, et à cet air de dire la place est bonne elle paye bien et tout le mérite m’en revient, j’ai atteint l’excellence dans la navigation (ou le pilotage, ou l’art des cocktails) je côtoie la puissance et j’en participe un peu.

Et moi qui procède aussi de cette importance, et plus qu’eux en principe puisque je suis l’invité (mais à peine, en vérité, à peine), ils savent me traiter avec discrétion et déférence. Si je m’allonge dans un transat ils disparaissent et me laissent croire que je suis seul, mais il suffit que je lève un doigt pour demander un autre verre pour que l’un d’eux se présente, sans précipitation toutefois, afin de s’enquérir de ce que je souhaite, si bien que la pensée qui me vient, tandis que je m’efforce de goûter la sérénité factice de ma condition, c’est mais enfin Bon dieu, quand donc est-ce que je vais pouvoir péter en paix ?

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