Bras mort

J’ouvre un magazine, j’écoute la radio : il y est question d’une quantité de personnes que je ne connais pas. Je n’ai pas la moindre idée de qui elles sont. Je devine parfois en fonction du contexte qu’il s’agit d’une actrice, d’un rappeur, d’une créatrice de mode, d’une influenceuse, d’un personnage de série ou de bd. Mais ce sont autant de références qui m’échappent. Ces noms ne font pas partie de ma culture.

Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement de noms propres. Des objets, des marques, des mouvements, des concepts, apparaissent en permanence et bouleversent le paysage. Je suis bousculé par un fleuve puissant qui me repousse peu à peu vers un de ses bras morts, là où ses eaux sont calmes, lisses, croupissantes. La vie sans moi est déjà bien en chemin. Elle se déploie sous mes yeux. Elle bouillonne. Je ne cherche pas à revenir au milieu du courant. Se rapprocher de la berge est dans l’ordre des choses. Ça ne me fait pas peur, d’ailleurs j’ai toujours aimé être un peu à l’écart.

Le bémol, aujourd’hui, c’est que ce n’est plus vraiment moi qui décide de m’y tenir ou non. J’aimerais pouvoir, de temps en temps, me mettre à l’écart de l’écart.

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Calixte Joüon

Tu fais semblant de découvrir que les poils de ta barbe sont blancs ! Tu es devenu un silure de deux mètres et demi (c’est plus ou moins la taille effrayante des plus gros spécimen que nous ferrons chez nous) et tu n’as plus la même agilité pour attraper le menu fretin dont, au fond, tu te contrefous car il serait bien incapable de procurer un sentiment de satiété à ta grosse masse.
Je te donne mon « truc » pour continuer à percevoir le courant qui coule aujourd’hui dans le lit que nous avons quitté, toi et moi, et dont tes vieux barbillons seraient quand même curieux de connaître le goût nouveau.
Passe de temps en temps une nuit sur Tik Tok, en voyeur (pour moi, ce fut la nuit dernière). À l’entrée de ton bras mort, tu observeras un paysage brut de décoffrage de ce qu’est devenu ton Monde perdu, du moins de la couche qui servait de matériau à Ronis ou à Weiss (on n’y rencontre pas beaucoup d’HEC !).
Sans risque ni bourse délier, tu découvriras l’hyper narcissisme et la surprenante religiosité allogène d’une population dont tu vas devoir apprendre le dialecte comme on apprend une langue étrangère. Peut-être comprendras-tu mieux pourquoi ton moteur de recherche, alors que tu as tapé « Louis », te donne le choix entre Boyard et Vuitton et pourquoi, si tu as choisi le vieux malettier, Pharel Williams succède à Virgil Abloh. Accessoirement, tu pourras mesurer la profondeur du déni de ceux qui refusent de constater un Grand Remplacement.
Je fous mon billet, que d’un coup de queue, tu retourneras, soulagé, à ton bras mort pour y retrouver dans la vase tes exemplaires chéris des Essais ou de Fureur et Mystère.
Bonne lecture à l’écart du fil de l’eau !

annick c

oh combien je partage ce constat !