Silure

J’ai constaté dans mon billet d’hier que des noms, des notions, des objets inconnus faisaient irruption dans nos vies à mesure que nous vieillissions. Le phénomène n’est pas nouveau. Certes, il s’accélère beaucoup ces derniers temps, mais enfin c’est notre lot commun depuis longtemps. C’est ainsi qu’en 1981, pour célébrer les soixante ans de mon père, j’avais composé une chanson qui brodait sur ce thème :

Papa t’es presque né sur une aut’ planète
Sans radio sans télé sans jumbo jet
Sans fusée sans ordinateur
Sans frigidaire sans pace-maker
Le monde s’est rempli d’étranges choses
Des robots des bip-bip et des névroses
Ce qui a l’ moins changé c’est l’ nom du Président
De Monsieur Mill’rand à Monsieur Mitt’rand

Soixante ans me paraissaient alors un âge vénérable. Maintenant que je les ai passés de beaucoup, la vénérabilité (si ce mot existe) me semble contestable. Pour ma part, je m’en sens loin, et je ne pense pas en donner l’image. Je découvre d’ailleurs qu’on peut avoir de moi des perceptions inattendues. A la suite de mes considérations géronto-fluviales d’hier, un de mes amis m’a comparé à un vieux silure, qui est un gros poisson visqueux, laid et barbu, aimant la vase, et fuyant la lumière et les remous dans lesquels s’agite le menu fretin. Ça m’apprendra à mieux choisir mes métaphores.

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Calixte Joüon

Le silure est le patron de nos rivières, qui peut vivre jusqu’à 80 ans et peser alors 130 kilos. En aucun cas il n’est visqueux. Et si tu n’aimes pas les grandes bouches… pense à Julia Roberts !
Le corps du silure est un véritable sonar vivant : sa ligne latérale, son oreille interne l’informent avec précision sur tout ce qui bouge dans son environnement proche, même lorsque l’eau est opaque, ce qui est bien trouvé pour un poisson pratiquement aveugle et dépourvu de dents.
Les pêcheurs le convoitent en adversaire puissant. Ils répugnent à le tuer même si ses filets, convenablement préparés, s’apparentent en texture à la lote. Ce qui n’est pas mal !
Les petits hommes gris ne se sont pas encore résolus à le classer dans les nuisibles.
Enfin, le mot est beau ! Il a des connotations de tellurique, de Cité d’Ur, de Scylla, autre monstre marin…
Je me demande si tu ne serais pas « fishing for compliments »… ce qui est bien un comble pour un poisson !