Les pousseurs de feuilles

J’ai la chance d’habiter un quartier arboré. Mais en novembre, cette chance se transforme en malédiction. Une armée de jardiniers harnachés de souffleurs thermiques envahit rues et jardins, et pousse en vrombissant les feuilles tombées à terre afin de les mettre en tas. Autrefois on utilisait à cet effet des râteaux et des balais. Leur efficacité en matière de nettoyage automnal était peut-être inférieure, mais leur discrétion acoustique laissait les oreilles de tous en paix. Mais s’affranchir du travail musculaire, au moyen de toutes sortes d’engins motorisés, quelles que soient les pollutions atmosphérique et sonore qui en résultent, reste l’un des marqueurs les plus décisifs de l’évolution de l’Homme : quoiqu’on en dise, même si l’on ne compte plus trop dessus, nul n’a dans les faits renoncé au progrès.

souffleur-thermique.jpg

Ces feuilles d’automne me rappellent l’histoire de cette dame très riche qui recevait en son château quelques amis. Alors que d’ordinaire tout chez elle était extrêmement soigné, les allées de son parc se trouvaient ce jour-là jonchées de feuilles mortes qu’elle n’avait pas eu le temps de faire ramasser. Elle allait s’excuser de cette négligence auprès de ses hôtes, lorsque l’un d’eux s’exclama : – Ah ! Chère amie… Vous êtes merveilleuse… Des feuilles mortes ! Quelle bonne idée !… 

S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires