Du bon usage de la parole (deuxième conseil aux candidats)

Mon deuxième conseil aux candidats à l’élection présidentielle concerne l’usage de la parole. “La parole est d’argent, mais le silence est d’or” est un précepte difficile à appliquer lorsqu’on fait de la politique. Il faut cependant tenter, autant que faire se peut, de s’en approcher.

Prenons l’exemple de deux candidats hypothétiques. Appelons N le premier. N n’arrête pas de parler. Il dit qu’il faut intervenir ici, réglementer là, réformer en cet autre lieu, jeter en prison untel, en sortir telle autre, il juge de tout, a des avis sur tout, il affirme, il tonne, il menace, il trépigne, il sait qui doit être au pouvoir dans ce pays-ci, qui doit le quitter dans celui-là, il sait qui protéger et qui pourfendre, il a compris comment faire aller le monde dans ses moindres détails, et l’explique dès que l’occasion lui en est donnée. Il ne veut rien passer sous silence, sa stratégie est de s’exprimer sur tout, partout, d’un ton fort et définitif. Il veut donner l’impression que rien ne lui échappe, qu’il maîtrise tous les sujets, et que l’accumulation de solutions qu’il propose fait de lui le plus compétent pour la fonction. Son salut, en réalité, serait de se taire, car plus il parle, moins il est entendu.

Appelons D le second. Il occupe des fonctions qui lui interdisent de parler. Il est certainement malheureux d’avoir sa langue ainsi entravée, mais, ne disant rien car il ne peut rien dire, il ne cesse de monter dans les sondages. Pourrait-il s’exprimer à loisir que son sort en serait moins bon. On ne tarderait pas à voir son image se brouiller. Moins il parle, plus on croit l’entendre. Sa perte serait peut-être, dès qu’il en dirait plus, d’en avoir déjà dit trop.