Les mauvais calculs de la presse

Je n’arrête pas de trouver des erreurs de calcul dans la presse. Ça n’a aucune importance, mais ça m’agace.

Dans la présentation d’un film intitulé Quartier lointain, Télérama écrit dans son édition du 24 novembre 2010 :
De passage dans sa ville natale, un quinquagénaire s’évanouit… pour se réveiller trente dans plus tôt, dans son corps d’adolescent de 14 ans.
Que 14+30 soit égal à 44 (ce qui n’est pas un âge de quinquagénaire) ne dérange personne à la rédaction.

Autre exemple : il y a quelques jours, Le Monde faisait état de statistiques sur les centenaires en France, et précisait à cette occasion :
La métropole comptait 15 000 centenaires au début de cette année, soit treize fois plus qu’en 1960. En 1960, une femme sur 500 et un homme sur 2 500 avaient 100 ans ou plus ; aujourd’hui, c’est une femme sur 57 et un homme sur 600.
On sait qu’il y a environ 64 millions de Français, ce qui (divisons par deux pour faire simple) donne 32 millions de femmes. S’il y en avait une sur 57 qui avait cent ans, on devrait compter 561000 centenaires de sexe féminin. Là encore, une telle erreur d’ordre de grandeur ne trouble pas la sérénité de la rédaction.

jeanne-calment.jpg

Jeanne Calment

Cette confusion arithmétique s’étend par contagion au vocabulaire. Toujours dans Le Monde, on ne sait plus très bien ce que reculer veut dire, si j’en crois cette belle cacophonie entre titre et sous-titres ( le Monde en ligne de samedi 27) :

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Un récent rapport nous apprend que près de la moitié (44%) des élèves en fin de collège ne possèdent pas les bases minimales en mathématiques, sont incapables de mener un raisonnement, et ne parviennent pas à manipuler les notions de durée, de longueur ou de volume. Faut-il vraiment recruter les journalistes parmi ceux-là ?

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Olivier

Plus que de connaissances arithmétiques, les journalistes manquent souvent de rigueur -même ceux du Monde, eh oui- dans le langage, le raisonnement, les chiffres… Ce rapport de 57 doit
correspondre à quelque chose mais il nous manque une donnée pour le comprendre. Ou alors c’est un chiffre repris directement d’une source quelconque que l’auteur n’a pas pris la peine de vérifier.
Ce qui est surprenant, comme tu le soulignes, c’est que des journalistes a priori spécialisés, à défaut d’être spécialistes, n’aient aucune idée des ordres de grandeurs. On le remarque par exemple
dans les chiffres de production énergétique ou les prix de ventes de biens “chers” où l’on s’emmêle rapidement entre les millions et les milliards. Les approximations de langage quant à elles sont
légion, mais au moins elles font rire. J’aime beaucoup ce grand classique : “on s’attend à des surprises”…

Clo

Les sciences et l’enseignement en général posent problème.
Les « Hussards de la République » ont édifié la France au même titre que les grands hommes dont ils transmettaient l’histoire et le nom aux écoliers. Hommes & femmes, souvent aussi modestes que
cultivés, les instituteurs nous ont fait aimer les livres, la nature, le rire de Rabelais, l’histoire, le français de Balzac que nous avons cru aussi universel que la langue de Shakespeare, les
étoiles, les ailes de papillon, le théâtre de Racine & de Molière, les mots et les chansons de Prévert, les nénuphars et les rivières, les forêts, la musique et les océans, les contes et les
volcans, les sommets et les cartes de géographie, les couleurs et tant de choses encore… Peut-être rêvions-nous plus (avant les autoroutes de l’information) sans écran, au temps des ballades dans
le Gai Savoir. Devrons-nous désormais parler au passé comme des vieux c… !

Les professeurs des écoles, des collèges, des lycées, des universités et des grandes écoles étaient la fierté du pays, la culture de leurs élèves le bien commun. Ce terreau donne encore de belles
pousses – profs et élèves réunis- aussi importants dans notre héritage que les génies et monuments de tous ordre, les abbayes et la gastronomie, les vins et les jardins, ainsi que l’institution
dont ils sont issus (l’école publique et obligatoire). Par manque de moyens et devant des difficultés insurmontables, les professeurs vont-ils renoncer à la noblesse de leur mission ? Forts en
thèmes & louables expériences (ici ou là) ne suffisent plus à donner le change, il faut secouer…le Mammouth (l’expression date déjà).

Selon une étude récente, le niveau des élèves français dans les matières scientifiques serait passé du 10ème au 19ème rang – un classement établi par rapport à leurs condisciples européens – triste
évaluation, presque nulle. Pour une société irrémédiablement attirée par le vide…quoi de plus vertigineux que le zéro (pas seulement en haut d’une copie, ni en matière de classement) ? Un point de
départ, un début de questionnement peut-être…

À une époque postérieure au déluge (au siècle passé, il est vrai…années 70 / 80), les élèves de la section littéraire avaient la possibilité de prendre les maths en option au Bac – sciences
naturelles et sciences physiques étant obligatoires jusqu’en classe de 1ère – il s’agissait de leur permettre d’acquérir une culture générale, un langage scientifique minimum & un bagage utile
pour comprendre le monde. Et quelle poésie ! Repousser les limites du possible, nourrir les imaginaires, se promener entre le fini et l’infini, alimenter son intuition, naviguer dans l’espace et le
temps à la vitesse de la lumière (réduits en quelques équations). Ces connaissances, indispensables pour les uns (apprentis philosophes), plus poussées pour les autres (scientifiques, ingénieurs ou
chercheurs en herbe) sont pourtant nécessaires pour tous, futurs hommes & femmes, habitants de la cité (sinon de l’univers). Comment inventer sa vie sans essais / erreurs et sans approche
contradictoire. Comment réfléchir sans esprit critique? Peut-on raisonner sans logique, ni méthode ? Comment s’adapter et chercher le sens (ou la vérité) sans une ténue conscience des règles qui
nous gouvernent ?

VIGNALS

Il n’y a pas que les journalistes … les économistes (qui alimentent les journalistes) ont eux aussi un problème avec l’arithmétique.

Extrait de la newsletter de Cadremploi du 29 nov 2010

“D’ici 2015, 650 000 emplois vont être créés. Ce qui nous ramène quasiment au niveau d’avant 2008. C’est le CAS (Centre d’analyse stratégique) qui le dit. Les économistes, qui conseillent le
Premier ministre, ont livré leurs nouvelles prévisions la semaine passée*. Par quel savant calcul, par quel algorithme complexe, quelle compilation de données, nos chercheurs en sont-ils passés
pour parvenir à ce stupéfiant résultat ? Par un vieux truc très simple : le déni.

…Ils connaissent leur géographie, savent situer la Grèce et l’Irlande sur une carte. La notation AAA, ça leur cause aussi. Pourtant, ils font comme si de rien n’était. Dans cinq ans, la plus grosse
débâcle du siècle sera totalement enrayée… “

Ah … la géographie aussi ça pose problèmes !