Noir Désir et la fuite

On nous annonce que Noir Désir, c’est terminé.

Il y a quelque chose d’étrange et presque de poétique dans cette annonce. Quelque chose disparaît qui a depuis longtemps disparu. On avait continué à percevoir de la lumière, mais c’était un effet de la distance, l’étoile était éteinte en réalité depuis plusieurs années. Ou c’était le sang qui continuait de couler de l’animal mort, donnant l’impression que la vie subsistait là, d’où précisément elle était partie.

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Je ne reviens pas sur le drame de l’été 2003. J’ai dit ce qu’il m’avait inspiré dans un texte écrit à l’époque, et dont j’ai mesuré cet été, pour l’avoir repris (après avoir longtemps hésité à le faire) dans mon spectacle d’Avignon, à quel point ce qu’il évoquait imposait aux gens une qualité particulière d’écoute et de silence. Mais je pense au dernier disque de Noir Désir, enregistré lors d’un concert unique donné sur France Culture le 21 juillet 2002 : Nous n’avons fait que fuir. Ça ressemblait au Ferré sombre des Amants tristes, à l’âme irréparable. Il faut relire ces paroles hallucinées, prémonitoires :

« Alors ces anges-là (…) se désolidarisent, sont engins du désastre harnachés corps et âme, sur leurs armures brillantes on peut voir le reflet de nos pauvres carcasses aux regards qui s’affaissent ».

Et, mis à la fois en exergue et en épigraphe, ces six vers :

Nous n’avons fait que fuir / Nous cogner dans les angles / Nous n’avons fait que fuir / Et sur la longue route / Des chiens resplendissants / Deviennent nos alliés

 

photo © galileo

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