Chute de Talmud


06 Félix
par arbon

Encore une façon de mourir qui m’avait échappé. Charles-Valentin Alkan, pianiste et compositeur français de l’avant-dernier siècle, est mort en 1888, à l’âge de soixante-quatorze ans, écrasé par sa bibliothèque alors qu’il se saisissait du Talmud.

Sauf à imaginer que le doigt de Dieu ait donné une pichenette aux étagères, voilà bien un accident idiot. (Je recommande la plus grande vigilance aux lauréats de mon concours de désordre qui sont toujours en vie.)

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Cependant, l’esprit humain ne détestant rien plus que le hasard, et cherchant des causes ou des explications à tout, on peut aussi y voir une fin hautement symbolique pour un intellectuel mystique et tourmenté qui avait, sa vie durant, cherché la clé du monde dans un empilement de textes et de commentaires. Le fait de terminer aplati sous le poids des grimoires et d’une connaissance probablement inutile ressemble à un terrible et ironique coup du sort. Ou alors (autre versant de la même réalité) nous sommes peut-être confrontés ici à un cas magnifique d’épectase livresque : pour un juif pratiquant intensément la religion du Livre, quelle mort plus extatique que l’engloutissement par la parole ? La submersion, le terrassement par son flot ? L’anéantissement dans la glose et ses transcriptions ?

(Personnellement, je continue à préférer Félix Faure)

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