La souris avait gambadé dans toute la maison. Avec ses copines (une quinzaine au moins), elle y avait fait la fête, mangé, dansé, au point qu’on aurait pu croire que l’habitation était devenue, pour elle et ses congénères, un point de ralliement, un lieu de rendez-vous, mi-pays de cocagne, mi-parc d’attractions, une sorte d’Ibiza pour rongeurs.
Un jour, des humains étaient entrés dans la cuisine, et ils en avaient trouvé une demie-douzaine faisant la sarabande autour d’un paquet de farine éventré. Ils avaient alors décidé de mener la contre-attaque. Dans une première phase, ils eurent recours aux armements conventionnels, avec installation de tapettes dans toutes les pièces et le grenier de la maison. Mais les résultats furent maigres. Puis ils employèrent les grands moyens : les armes chimiques, autrement dit la mort aux rats.
L’effet fut dévastateur, les souris décimées. La dernière d’entre elles résista quelques jours de plus que les autres. Elle choisit de mourir non pas dans un trou, mais dans le confort d’un lit recouvert de blanc, en pleine lumière, dignement, proprement, comme pour profiter jusqu’au bout de l’escapade luxueuse qu’elle s’était offerte, ainsi que je l’ai photographiée.