Une obéissance « complète, inconditionnelle, absurde »

Je lis l’histoire de Fouquet* par Paul Morand, j’en suis au chapitre où Mazarin meurt. Les ministres demandent à Louis XIV à qui ils devront s’adresser désormais (en d’autres termes : qui sera votre premier ministre ?), et le roi répond : – À moi. Et Paul Morand commente : « Avec ce mot, tout est dit (…) Le roi exige l’obéissance. C’est sur l’obéissance complète, inconditionnelle, absurde, que se sont fondés les grands empires, mongol, inca, moscovite. »

Je suis frappé en ce printemps 2022 de guerre en Ukraine par cette remarque : « l’obéissance complète, inconditionnelle, absurde » sur laquelle s’érige le pouvoir moscovite. Au détour d’une phrase, un livre sur le XVIIè siècle écrit il y a plus de soixante ans rappelle qu’aussi ahurissante qu’elle puisse nous sembler, l’emprise de Poutine sur son pays n’a rien de nouveau, mais qu’elle s’inscrit au contraire dans la longue lignée des autocraties autoritaires dont le peuple russe de facto s’accommode depuis toujours.

Les occidentaux escomptent qu’une révolte de l’intérieur pourrait mettre fin au régime de Poutine : ils misent sur un soubresaut rationnel face à une composante absurde mais constante de l’histoire. Pas évident qu’à court terme (et moins encore à long terme) le pari soit gagnant.

* Fouquet ou le soleil offusqué, Paul Morand, Folio Gallimard

 

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