Taxis vs Uber

La querelle qui se déploie entre les taxis de France et Uber m’inspire des sentiments partagés. J’ai souvent, comme la plupart des Parisiens, pesté contre les taxis. Nombre insuffisant, courses chères, amabilité douteuse : on connaît les griefs. Mon premier mouvement a été de penser qu’une certaine concurrence ne pouvait pas leur faire de mal.

Bon. Donc face à eux, Uber est arrivé. Innovant, moderne, flexible, pratique : a priori, aucune raison de s’en priver. Qui est Uber ? Une société appartenant à Google Ventures, Goldman Sachs, et autres fonds d’investissements américains. Et je me demande quel est le projet de ces philanthropes bien connus. Aider le Parisien, ou le Lyonnais, ou la Marseillaise, dans ses déplacements urbains ? Certes. Mais en même temps napalmiser un marché composé de sociétés installées dans une rente (G7) et d’artisans vulnérables, et se retrouver, à terme, en position dominante pour devenir les opérateurs du secteur. Leur façon de faire me rappelle celle d’Amazon face aux librairies. (Ces dernières ont pratiquement disparu aux Etats-Unis et dans de nombreux autres pays.) Ou celle de Google, numérisant (sans se préoccuper des droits) tous les livres de la création pour en proposer la consultation en ligne. Ou celle d’Apple vampirisant la musique. Impossible ensuite d’exister sur ces marchés sans passer par eux. Ils en fixent les règles, et dictent leurs conditions. En vue (actualisée) de leur plus grand bénéfice : Uber vaut déjà 50 milliards de dollars.

La puissance de feu financière d’Uber le bien nommé est considérable. Uber le concurrent, Uber le conquérant. Libéralisme über alles. Rien de tout cela ne profitera in fine au public. Les taxis sont pleins de défauts, et ils livrent peut-être un combat impossible. Mais, sans doute atteint du syndrôme d’Astérix, je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine sympathie pour leur cause à peu près (quoique pas encore tout-à-fait) perdue.

combat1870

 

S’abonner
Notification pour
guest

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
DEPLUS CLAIRE

Je prends des taxis depuis quarante ans, car je ne veux pas avoir de voiture à Paris; c’est vrai que pendant longtemps ils étaient assez désagréables; mais ils ont beaucoup évolué, en particulier la G7. Je suis donc particulièrement remontée contre les VTC et UBER. Le plus injuste est que les taxis ne pourront jamais revendre leur licence d’environ €. 260.000, quand ils vont partir à la retraite; beaucoup m’ont dit qu’ils “vivotent” car à cause de la crise, ils ont de moins en moins de clients… Il faut les aider en les prenant le plus souvent possible! CLAIRE DEPLUS.

Céphéides

La mondialisation ultralibérale conduit inévitablement à ce genre de conflits : les chauffeurs de taxis ont passé un examen, payent des impôts, des taxes, des cotisations sociales… et une plaque de licence fort chère. En face, rien de tout cela : quelques amateurs sans compétence qui ne doivent rien à personne (sauf une ristourne à UberPOP) et dont un pourcentage non négligeable conduit même sans permis ou sans assurance, voire les deux (journal “le Parisien” dixit). Cela me rappelle le statut des “auto-entrepreneurs” qui s’arrangent parfaitement avec les taxes tandis que les artisans déclarés croulent sous les charges. Tout cela a un nom : c’est du travail au noir plus ou moins officialisé. Mais c’est ce que veulent les tenants de l’ultralibéralisme au pouvoir de nos jours : tout le monde avec un petit boulot précaire, mal payé (bien en dessous du SMIC), intermittent, qui ne coûte pas cher au Capital et où, bien plus tard, les pauvres hères victimes du système s’apercevront qu’ils n’ont pas de retraite et une couverture médicale minimale, c’est à dire notoirement insuffisante (la sécu est en train d’être “débarquée” au profit des mutuelles privées). En somme, des riches toujours plus riches et des pauvres encore plus pauvres. L’Histoire nous apprend que cela ne dure jamais longtemps. Préparons-nous à des lendemains difficiles !

Langlois

Bien d’accord avec cette analyse…
A cela s’ajoute – mais je comprends que tu aies scrupule à mettre en avant cet argument- que le chanteur que tu es n’aimes pas trop voir ce Über “Pop” marcher sur tes brisées.